le 18/04/2019

Alignement du délai de prescription de l’action en nullité des conventions de forfait en jours sur celui des demandes en rappel de salaire

Cass. Soc., 27 mars 2019, n° 17-23.314

La Cour de cassation vient récemment et pour la première fois, de préciser que le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, peut contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail (Cass. Soc., 27 mars 2019, n° 17-23.314).

La mise en œuvre d’un forfait annuel en jours suppose la conclusion d’un accord collectif, comprenant notamment les dispositions destinées à protéger la santé et la sécurité du salarié, et la signature d’une convention individuelle de forfait.

Avant 2016, l’accord collectif sur le forfait jours devait impérativement comporter des dispositions qui assurent la protection de la sécurité et de la santé des salariés. A défaut, le forfait jour était invalidé.

Dans cette affaire, un salarié embauché le 15 janvier 2006 aux termes d’un contrat de travail prévoyant une convention de forfait en jours, avait saisi la juridiction prud’homale le 19 mai 2014, notamment d’une demande tendant à voir constater la nullité de cette convention.

Il soutenait à ce titre que, tant son contrat de travail que l’accord collectif instaurant le dispositif de forfait jours datant du 15 mars 2000, ne comportaient pas de dispositions de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que son employeur n’avait pas mis en place un entretien permettant de contrôler sa charge de travail.

La Cour d’appel avait condamné l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents, au motif que la demande de constat de la nullité de la convention de forfait en jours n’était pas prescrite, étant rappelé que la clause litigieuse avait été appliquée dans le cadre des relations contractuelles jusqu’au licenciement de l’intéressé. En conséquence, les juges du fond ont considéré que tant que la convention de forfait en jours était en vigueur, le délai de prescription d’une action en nullité de cette convention ne courait pas.

Statuant sur le pourvoi formé par l’employeur, la Cour de cassation a approuvé cette solution en retenant que: « le salarié, dont la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, est recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail ».

Pour rappel, l’action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit à l’expiration de délai de « trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture » (C. trav., art. L. 3245-1).

Ainsi, au cas particulier, dès lors que la demande de rappel d’heures supplémentaires se rapportait à une période non prescrite, le salarié était recevable à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours contenue dans son contrat de travail, et le pourvoi formé par l’employeur ne pouvait qu’être rejeté.

Depuis, la Loi « Travail » du 8 août 2016, l’employeur et le salarié peuvent conclure une convention de forfait sur la base d’un accord collectif ne stipulant pas l’ensemble des clauses légales obligatoires prévues par l’article L.3121-64, parmi lesquelles figurent par exemple, les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié.

En effet, cette Loi a sécurisé, sous réserve par l’employeur du respect de dispositions supplétives relatives notamment au suivi de la charge de travail du salarié prévues à l’article L. 3121-65 du Code du travail, l’ensemble des conventions individuelles de forfait conclues avant le 10 août 2016, date d’entrée en vigueur de la loi Travail, qui seraient adossées à des accords collectifs incomplets (L. n° 2016-1088, 8 août 2016, art. 12 : JO, 9 août).

Ainsi, un employeur peut continuer à conclure de nouvelles conventions de forfait-jours sur le fondement d’un accord collectif antérieur au 10 août 2016, sous réserve de respecter les dispositions supplétives notamment sur le contrôle et le suivi de la charge de travail, le respect des temps de repos et le droit à la déconnexion.