le 18/11/2014

Agents agressés : confirmation du lien entre integrité psychique et préjudice corporel

Cass. Crim., 21 octobre 2014, n° 13-87669

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en faveur d’une indemnisation du stress post-traumatique au titre du préjudice intitulé « déficit fonctionnel » au sens de la nomenclature dite « DINTHILAC », outil de référence pour l’indemnisation des victimes de dommages corporels.

En l’espèce, un agent de la fonction publique d’Etat avait été victime de violences volontaires graves à l’occasion de ses fonctions.

La Cour d’appel avait constaté un état de stress post-traumatique et en avait tiré, comme conséquences juridiques, une indemnisation sous le seul poste du préjudice moral ; ce traumatisme psychologique ne constituait ainsi qu’une composante du préjudice moral.

Par suite, en l’absence de séquelles physiques, les juges du fond avaient considéré qu’il ne leur était pas permis de reconnaître un déficit fonctionnel (temporaire avant consolidation ou permanent après consolidation), ni de préjudice professionnel.

Sans surprise – puisque dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure – la Cour de cassation censure ce raisonnement : « Encourt la cassation l’arrêt qui, en l’absence de blessures, limite la réparation au seul préjudice moral et écarte l’éventualité de préjudices corporels, alors même qu’une invalidité consécutive à l’état de stress de la victime a été médicalement constatée » ; ainsi, « en écartant l’éventualité de préjudices corporels en l’absence de blessures, alors même que le médecin ayant examiné Monsieur X avait retenu une invalidité consécutive à cet état de stress, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ».

Cet arrêt apporte un éclairage supplémentaire sur une position unanimement admise, considérant que le préjudice lié au stress post-traumatique doit être liquidé sous l’angle du poste de préjudice intitulé « déficit fonctionnel », lequel n’est pas réservé qu’aux seules séquelles physiques.

De jurisprudence constante, les atteintes à l’intégrité physique comme psychique entrent bien dans l’objet du dommage corporel. La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés était inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent et ne pouvait être indemnisé séparément (Civ. 2e, 16 sept. 2010, n° 09-69433, Dalloz actualité, 5 oct. 2010, obs. I Gallmeister).

Cette jurisprudence constante est en outre parfaitement conforme aux définitions que donne la « Nomenclature DINTHILAC » du déficit fonctionnel, lesquelles font référence à l’invalidité de la victime dans sa sphère personnelle au titre d’une pathologie traumatique.

En effet, et pour mémoire, le déficit fonctionnel permanent « cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime ».

Dans la même idée, le déficit fonctionnel temporaire permet d’ « indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation ».

Il est ainsi parfaitement acquis que le dommage psychique est distinct du préjudice moral, ce dernier réparant l’atteinte de la personne dans son affection, dans son honneur, sa réputation, ou ses sentiments.

Cet arrêt a le mérite de lever de nouveau la confusion parfois entretenue entre traumatisme psychique et préjudice moral.