Droit des sociétés
le 19/12/2024

Adoption des décisions collectives au sein d’une Société par action simplifiée (SAS)

Cass. Plénière, 15 novembre 2024, n° 23-16.670

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu le 15 novembre 2024 un arrêt très attendu relatif aux règles de vote pouvant être fixées dans les statuts des sociétés par actions simplifiées (SAS) pour adopter une décision collective.

En l’espèce, il était prévu aux termes des statuts d’une SAS que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ». Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue en 2015, les associés ont décidé avec 46 % des voix pour de procéder à une augmentation de capital de la société en supprimant le droit préférentiel de souscription des associés au profit de l’un d’eux.

Certains associés ont assigné la société et les autres associés en annulation de la délibération de l’assemblée générale extraordinaire relative à l’augmentation de capital social. Les juges du fond avaient dans un premier temps rejeté cette demande avant que la chambre commerciale de la Cour de cassation censure cette décision par un arrêt rendu le 19 janvier 2022 (n° 19-12.696) en posant le principe selon lequel « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés » soit à un nombre inférieur à 50 % des voix.

Lors du renvoi, la Cour d’appel de Paris a rendu le 4 avril 2023 (n° 22/0532) un arrêt ne reprenant pas le principe posé par la chambre commerciale. En effet, la cour d’appel indique dans son arrêt qu’il « résulte de l’article L. 227-9 du Code de commerce que les associés d’une SAS sont libres de déterminer, dans les statuts, non pas – en l’absence de dispositions expresses – une règle de majorité exigée pour adopter des résolutions dans les matières qu’il énumère, mais les conditions dans lesquelles sont prises les décisions qui doivent l’être collectivement, que ce soit dans les matières définies par les statuts ou visées par son alinéa 2. ».

Saisie d’un nouveau pourvoi par certains associés, la Cour de cassation a dû se prononcer sur la question de savoir si les statuts d’une SAS pouvaient valablement autoriser qu’une décision collective soit validée à la majorité du tiers des droits de vote.

Au cours des débats, deux visions relatives au fonctionnement de la SAS étaient opposées. D’une part, la « thèse libérale » du régime juridique de la SAS qui, en application du premier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de commerce disposant que « [l]es statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient », permettrait d’octroyer aux associés toute liberté pour fixer les règles de majorité dans les statuts[1].

D’autre part, la « thèse restrictive » selon laquelle « retenir un seuil d’approbation inférieur à la majorité des voix serait susceptible d’aboutir à des décisions qui pourraient être contradictoires »[2] de telle sorte qu’elle aurait vocation à fixer des limites quant aux règles de majorité fixées dans les statuts.

L’Assemblée plénière a finalement opté pour la « thèse restrictive » dans son arrêt rendu le 15 novembre 2024 en retenant les éléments suivants :

« […] 10. Une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix.

  1. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires.
  2. La liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut s’exercer que dans le respect de la règle énoncée au paragraphe 10.
  3. Il s’en déduit que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite».

Par conséquent, toute décision collective d’associés d’une SAS ne pourra être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite.

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[1] Avis de M. Lecaroz, Avocat général, p.5.

[2] Avis de M. Lecaroz, Avocat général, p.5.