le 19/01/2018

Achats publics innovants : que font les autres pays ?

En octobre 2017, la Direction générale du Trésor a réalisé, à la demande de la Direction des achats publics de l’Etat, une étude comparative sur les politiques d’achat public innovant dans sept pays. Il ressort de cette étude que peu de pays ont fait le choix, comme la France, de définir une stratégie spécifique pour utiliser leur commande publique comme un levier d’innovation.

L’étude de la Direction générale du Trésor (« DG Trésor ») intervient alors que la mesure 32 du Pacte de compétitivité et de croissance adopté en 2014 a fixé comme objectif que d’ici 2020, 2 % du volume global annuel des achats civils de l’État et de ses établissements publics soient des « achats innovants ».

Les « achats innovants » ont été définis par une circulaire du Premier ministre en date du 25 septembre 2013 comme « les achats de produits non encore commercialisés (…) dans le but d’apporter une réponse à un besoin non couvert ou une réponse nouvelle et améliorée à un besoin existant ».

Une comparaison à l’aune du « modèle » français

En introduction, l’étude de la DG Trésor qualifie l’écosystème français de « complexe mais très dynamique », vante sa « multitude d’accompagnements financiers, humains et matériels en faveur de l’innovation et du développement des entreprises » et présente la France comme un « modèle, puisque trois partenariats d’innovation ont été signés depuis la transposition en droit français de ce nouveau dispositif » introduit par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Sans préciser si cet écosystème permettra à la France d’atteindre l’objectif fixé par le Pacte de compétitivité – ce qui permettrait d’en apprécier l’efficacité empirique – l’étude poursuit en comparant cette situation nationale avec six autres pays (Canada, Corée du Sud, Etats-Unis, Italie, Royaume-Uni et Suisse), sur la base d’un questionnaire de 14 questions.

Ce questionnaire interroge entre autre sur la politique générale de l’État en matière d’innovation, la structuration de l’écosystème autour de l’innovation (ruche, pôle de compétitivité, incubateur), l’existence d’un ministère, d’une direction ou d’une agence d’État dédiée à l’achat d’innovation, les structures publiques les plus matures dans le domaine, les méthodes de travail des acheteurs, l’existence de procédures dédiées à ces achats, de clauses particulières qui tiennent compte de la spécificité liée à l’achat d’innovation, la diffusion de l’innovation et l’organisation de formations spécifiques à l’achat d’innovation.

Ces critères de comparaison, largement fondés sur le modèle français, permettent moins de comparer les différents pays entre eux que de comparer chacun d’entre eux à la France.

Par ailleurs, l’étude est structurée pays par pays, et non pas question par question, et ne se conclue pas par un tableau récapitulatif ou une synthèse. Dès lors, il est peu aisé d’en tirer des enseignements clairs sur les convergences et les divergences entre les diverses politiques d’achat public innovant.

Peu de stratégies nationales spécifiques à l’innovation dans la commande publique

De manière générale, on peut noter dans la plupart des pays une stratégie de soutien des Etats à la formation de « clusters », de « grappes d’innovation », ou de « districts technologiques » visant à favoriser les synergies inter-entreprises et les liens entre monde académique et recherche appliquée.

Cependant, parmi ce panel, seule l’Espagne a, comme la France, adopté un objectif chiffré d’achat public innovant, le fixant à 3 % des achats civils de l’Etat d’ici 2020. L’étude précise que cet objectif ne pourra d’ores et déjà pas être atteint.

Quant au Royaume-Uni, qui était « précurseur » dans ce domaine mais dont les efforts ont été ralentis par « l’environnement politique marqué par de multiples remaniements ministériels », il a annoncé en janvier 2017 une stratégie industrielle avec un volet de mobilisation de la commande publique.

Il est à noter que l’Italie, de son côté, « n’a pas encore véritablement développé de stratégie nationale d’achat d’innovation (…) au sens retenu par la France », mais a arrêté un plan triennal sur 2017-2020 d’ achats publics innovants pour l’acquisition de technologies numériques par les administrations.

Au contraire, la Suisse est le cas où il est le plus clairement affirmé que « la politique d’innovation n’intègre pas à ce stade le levier de la commande publique », le rôle principal de cette politique d’innovation étant dévolu aux entreprises privées.

Peu de structures ou de procédures dédiées à l’achat public innovant

Tous les pays du panel, à l’exception de l’Italie, font le constat que ce sont les administrations de Défense nationale qui sont les acteurs les plus matures en termes d’achat public innovant. A cela s’ajoutent, selon les pays, les secteurs de l’environnement, des transports ou de la santé.

Dans certains ministères français, il existe des « directions de l’innovation » (Éducation nationale, Intérieur, Écologie, Culture) « dont l’expertise n’est actuellement pas mobilisée en appui des acheteurs ». Dans d’autres pays, on peut noter que le Crown Commercial Service britannique est chargé d’appliquer la politique dédiée à l’achat d’innovation l’Agence et que l’Agence pour l’Italie numérique est chargée des fonctions de centrale nationale de pre-commercial procurement pour la réalisation de l’agenda numérique de l’administration italienne 2017-2020.

Pour le reste du panel, le pilotage est essentiellement éclaté entre plusieurs structures nationales et infra-nationales non-dédiées spécifiquement à l’innovation, comme en Corée du Sud où le sujet est traité par une demi-douzaine d’agences sans stratégie globale.

Par ailleurs, aucun des pays du panel, à l’exception du Canada, ne dispose comme la France d’une plate-forme des achats de l’innovation de l’État et de ses établissements publics.

Enfin, aucun pays ne met en avant de formation spécifique à l’achat innovant, de méthode particulière d’appréciation des offres de produits innovants par rapport aux offres traditionnelles ou de dispositif d’évaluation de l’impact de ces achats.