le 05/07/2016

Absence de doute sérieux quant à la légalité de l’ordonnance du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

CE, 20 juin 2014, Association pour une taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne et autres, n° 400364

CE, ord. référé, 22 juin 2016, Association pour une taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne et autres, n° 400704

A la suite de la publication de l’ordonnance n° 2016-488 et du décret n° 2016-491 du 21 avril 2016 relatifs à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, ainsi que du décret n° 2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la Commune de Notre-Dame-des-Landes (voir la LAJEE de mai 2016), le Conseil d’Etat a été saisi de plusieurs recours, au fond et en référé suspension, dirigés contre l’ordonnance susmentionnée, d’une part, et contre le décret organisant la consultation relative à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, d’autre part.
La Haute juridiction s’est prononcée sur trois de ces recours par deux décisions des 20 et 22 juin 2016.

Elle a tout d’abord rejeté le recours au fond dirigé contre le décret du 23 avril 2016, et prononcé dans un second temps un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de suspension (CE, 20 juin 2014, Association pour une taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne et autres, n° 400364).

Elle a ensuite rejeté le recours tendant à la suspension de l’ordonnance du 21 avril 2016 (CE, ord. référé, 22 juin 2016, Association pour une taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne et autres, n° 400704).

A cette occasion, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la circonstance que les dispositions introduites par l’ordonnance, et plus précisément celles de l’article L. 123-20 du Code de l’environnement, permettent d’organiser une consultation sur des projets ayant déjà été autorisés.

Ainsi que nous l’avions exposé dans un numéro précédent, cette faculté est critiquable à plusieurs égards.

D’une part, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron), qui a habilité en son article 106 le Gouvernement à prendre l’ordonnance litigieuse, n’envisageait de consultation que sur une demande « tendant à l’autorisation d’un projet susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement ».
D’autre part, la possibilité de remettre en cause des projets déjà autorisés semble à première vue incompatible avec le principe de sécurité juridique.

Le Conseil d’Etat a tout d’abord confirmé, dans sa décision relative au décret du 23 avril 2016,que les dispositions de l’article L. 123-20 du Code de l’environnement ne conditionnent « nullement » la légalité de la consultation des électeurs à ce que la délivrance d’une autorisation de l’Etat soit encore nécessaire à la réalisation du projet, et a indiqué que la consultation pouvait « permettre à l’Etat de confirmer son choix et de décider de mettre en œuvre son projet ou d’y renoncer » (décision du 20 juin 2016, cons. 6).

Sur ce point on relèvera néanmoins que, lorsque le projet concerné par la consultation n’est pas un projet de l’Etat, le retrait ou l’abrogation des autorisations déjà octroyées pourra être, le cas échéant, source de contentieux – tant en annulation qu’indemnitaires.

Le Juge des référés du Conseil d’Etat a ensuite considéré, dans l’ordonnance du 22 juin 2016, que cette faculté n’est pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute quant à la légalité de l’ordonnance attaquée, au regard des dispositions susmentionnées de l’article 106 de la loi du 6 août 2015 (cons. 5).

Il a ensuite rapidement écarté le moyen pris de la méconnaissance du principe de sécurité juridique en jugeant que, en tout état de cause, l’avis recueilli auprès des électeurs « ne lie pas les autorités compétentes » (ibid. cons. 6).

S’agissant de ces deux derniers points, on regrettera l’insuffisance voire l’absence de motivation de la solution ainsi retenue. En effet, concernant plus précisément le moyen pris de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, on voit mal comment la circonstance que l’avis donné par les électeurs est un avis simple suffit à affirmer qu’il n’est pas méconnu (ou du moins ne semble pas l’être, en l’état de l’instruction), sauf à considérer que l’Etat ne donnera jamais aucune suite à la consultation dans l’hypothèse où le « non » l’aurait emporté.

Pour ces différents motifs, la décision qui devra intervenir sur le recours au fond sera, on l’espère, davantage motivée.

S’agissant du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la consultation a eu lieu, comme cela était prévu, le 26 juin dernier. C’est le « oui » qui l’a emporté à 55,17% des voix, et avec un taux de participation de 51,08%.