le 29/08/2017

Absence de délai raisonnable pour saisir le juge des référés précontractuels avant la signature du contrat

CE, 12 juillet 2017, Société Etudes Créations Informatique, n°410832, conclusions du rapporteur public M. Olivier Henrard, Inédit au Recueil Lebon.

La société Etudes Créations et Informatique (ECI) s’était portée candidate à plusieurs lots d’une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché public relatif à un système d’information de transport lancée le 21 juin 2016 par le syndicat mixte de transports de La Réunion (SMTR).

Après l’admission de sa candidature à l’un des lots l’invitant à remettre une offre avant le 15 novembre 2016, la société ECI a saisi le 8 avril 2017 le Tribunal administratif de La Réunion d’un référé précontractuel, soit environ 5 mois après la date de remise des offres, dans lequel elle estimait que le règlement de consultation l’empêchait de présenter ses offres dans les meilleures conditions.

Par une ordonnance du 10 mai 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a, de manière inédite, rejeté le référé précontractuel de la société ECI pour tardiveté en considérant que, le contrat n’ayant pas été signé à la date d’introduction du référé, la société ECI avait eu, toutefois, connaissance depuis plus de trois mois du manquement invoqué. La société ECI s’est ensuite pourvue en cassation contre l’ordonnance de rejet.

Alors que le Tribunal administratif avait reconnu une obligation de former un référé précontractuel dans un délai raisonnable de trois mois à compter de la connaissance du manquement allégué, souhaitant certainement s’inscrire dans la lignée de la décision importante rendue par le Conseil d’Etat le 13 juillet 2016, M. Czabaj (n°387763) , le Conseil d’Etat n’a pas souhaité suivre ce raisonnement et a jugé, aux termes d’une décision du 12 juillet 2017, que :
« ni ces dispositions (les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administratif sur le référé précontractuel) ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’impliquent que les personnes ayant intérêt à conclure le contrat et qui s’estiment susceptibles d’être lésées par des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence soient tenues de saisir le juge du référé précontractuel dans un délai déterminé à compter du moment où elles ont connaissance de ces manquements » (v. CE, 12 juillet 2017, Société Etudes Créations et Informatique, n°410832).

Et, en effet, comme le souligne le Conseil d’Etat dans la décision commentée, la règle du délai raisonnable pour agir ne peut s’appliquer à la procédure du référé précontractuel dans la mesure où une telle procédure est destinée à sanctionner les irrégularités d’une procédure de passation avant la signature du contrat, et donc à prévenir les actions contentieuses ultérieures visant à remettre en cause le contrat. Par ailleurs, les manquements à une procédure de passation ne peuvent être indéfiniment contestés par la voie du référé précontractuel puisque la signature du contrat a pour effet de mettre un terme définitif à la possibilité de saisir le juge du référé précontractuel.
Si la solution du Conseil d’Etat dans la décision commentée n’a rien de surprenant, elle apporte néanmoins une précision utile à la portée de la jurisprudence du Conseil d’Etat Czabaj précitée, et limite les tentations de certains, parfois audacieuses, d’étendre cette jurisprudence à tout recours contentieux.

Dans la décision Cazbaj, le Conseil d’Etat a jugé que le délai de recours à l’encontre des décisions administratives (individuelles) de rejet est limité à un délai raisonnable d’un an à compter de leurs dates de notification ou de la date à laquelle il est établi que le destinataire en a eu connaissance (CE, Ass., 13 juillet 2016, Czabaj, n°387763).