Par principe, les pénalités de retard ont deux objectifs[1] :
- Elles ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice subi du fait du manquement du concessionnaire à ses obligations contractuelles. Leur seul constat suffit pour les appliquer ;
- Elles doivent avoir un effet dissuasif, et en ce sens, elles doivent prévenir les manquements contractuels.
Dans la présente affaire, la société Engie Energie Services avait conclu en 2014 avec la Commune d’Alfortville un marché public de fournitures courantes et services, ayant pour objet la maintenance et le suivi des systèmes de chauffage et de climatisation de son pôle culturel.
Pendant l’exécution de ce marché, la société s’était vu appliquer une pénalité de retard d’un montant de 146.250 euros pour sanctionner un retard de 975 jours dans l’exécution de prestations de maintenance exceptionnelle de trois puits du réseau de captage d’eau de nappe (correspondant au calcul suivant : 150 euros HT x 975 jours de retard).
La société contestait la régularité de cette pénalité et de ce fait le titre exécutoire émis par la Commune.
Et le juge administratif lui donne raison.
Il relève, d’une part, que le titre exécutoire se borne uniquement à indiquer « Pénalités de retard en application des articles 14 et 15 du CCP marché 14-29 selon courrier 18 mai 2018 annexes joints ».
Et d’autre part, les pénalités prévues par ces articles ne correspondent pas à la pénalité appliquée. En effet, le juge administratif relève d’une part que l’article 15 « ne prévoit aucune pénalité applicable au marché litigieux » et que l’article 14 « institue quatre pénalités distinctes, dont, à son premier alinéa, une pénalité de 300 euros HT par jour calendaire de retard pour sanctionner le dépassement par le titulaire du marché du délai d’exécution, et, à son troisième alinéa, une pénalité forfaitaire de 150 euros HT pour sanctionner un manquement à ses obligations constaté par la personne publique, tel qu’un retard non justifié pour une intervention ».
Quand bien même, la Commune soutenait qu’elle était fondée à retenir une base de 150 euros par jour de retard, en lieu et place du montant de 300 euros, et qu’elle pouvait multiplier la pénalité forfaitaire de 150 euros par le nombre de jours de retard, dans le but de conférer à cette pénalité un effet utile et dissuasif, pour le juge administratif, la pénalité de 150 euros appliquée par la Commune était de nature forfaitaire et devait s’appliquer par manquement constaté et non par jour de retard.
En conséquence, en l’absence d’explication plus précise et claire de la part de la Commune, les clauses contractuelles prévues ne lui permettraient pas de modifier la somme applicable d’une pénalité ni de la multiplier par le nombre de jour de retard.
Ainsi, la Cour administrative de Paris décharge la société requérante de l’obligation de payer la somme de 146.250 euros.
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[1] CE 19 juillet 2017, société GBR Ile-de-France, req. n° 392707