Par la loi n° 2025-1057 du 6 novembre 2025, la définition pénale du viol et des agressions sexuelles a été modifiée pour y inclure expressément l’absence de consentement comme élément constitutif de ces infractions, à l’instar d’autres pays européens comme l’Espagne en 2022 ou la Suède en 2018.
Afin de s’interroger quant à l’impact de cette modification il est nécessaire de revenir sur la genèse de cette loi (I°) avant d’envisager les conséquences de l’ajout du consentement à l’article 222-22 du Code pénal (II°).
1. L’évolution de la définition pénale des violences sexuelles
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 novembre 2025, la poursuite et la condamnation des violences sexuelles supposaient la caractérisation d’un des éléments constitutifs visés suivant : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise.
Ainsi, même si texte ne faisait pas directement référence « au consentement », cette notion était, néanmoins, déjà présente dans les débats judiciaires et la jurisprudence.
Pour autant, force est de constater que cette définition a abouti, dans le contexte de libération de la parole actuelle, à une augmentation des décisions de classements sans suite et de non-lieu.
Plus précisément, les statistiques du ministère de l’intérieur exposent que le nombre de plaintes enregistrées par les services d’enquête – police et gendarmerie – a fortement augmenté, entre 2016 et 2023, de 187 % pour les viols et de 106 % pour les agressions sexuelles.
Parallèlement, sur la même période, la proportion d’affaire, qui ne fait pas l’objet de décisions de poursuites, est passée de 63 % à 70 % pour les viols et de 56 % à 65 % pour les agressions sexuelles[1].
Concernant cette donnée, ces chiffres sont à mettre en relation avec ceux issus d’une note de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) d’avril 2024 précisant qu’en matière de violences sexuelles, 86 % des affaires traitées entre 2012 et 2021 ont donné lieu à un classement sans suite contre 14 % qui ont entraîné des poursuites[2].
Cette situation explique notamment que le GREVIO[3] réaffirmait, dans son dernier rapport d’évaluation sur la situation en France, la nécessité d’adopter une définition des violences sexuelles fondées sur l’absence de libre consentement de la victime, et ce, afin d’améliorer la réponse judicaire[4].
Ce faible taux de réponse judiciaire a été autrement mis en lumière à la suite de la condamnation, en avril dernier, de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui a considéré dans trois affaires de violences sexuelles sur mineures, que l’institution judiciaire française n’avait pas suffisamment tenu compte, dans son appréciation du discernement et du consentement des requérantes, de la situation de vulnérabilité dans laquelle elles se trouvaient[5].
Dans ces affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme précisait que la France avait « manqué à ses obligations positives qui lui imposaient d’appliquer effectivement un système pénal apte à réprimer les actes sexuels non consentis »[6].
C’est à ces reproches du système législatif et judiciaire français que le législateur a tenté de répondre par la loi du 6 novembre 2025.
2. Les modifications apportées par l’introduction du consentement
Désormais, l’article 222-22 du Code pénal, dans sa nouvelle rédaction, précise qu’une agression sexuelle se définit comme « tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur, ou dans les cas prévus par la loi, commis sur un mineur par un majeur ».
Concernant la notion de consentement, le second alinéa de cet article précise qu’il est « libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable », de même, le consentement doit être « apprécié au regard des circonstances » et ne peut être déduit du « seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».
Concrètement, l’un des principaux objectifs de la loi est d’influer sur le taux de poursuite des violences sexuelles, en centrant les investigations, en cas de plainte pour viol ou agression sexuelle, non plus sur le comportement de la victime ou sa résistance à l’agression, mais sur la manière dont la personne soupçonnée peut avoir agi sans le consentement de la victime.
Pour autant, la loi a conservé la référence aux quatre modes de réalisation de l’infraction, puisque l’alinéa 3 de l’article 222-22 du Code pénal indique qu’« il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ».
Bien avant la dernière réforme, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation a conféré une large portée aux notions de contrainte ou de surprise, en vue d’aboutir à une répression accrue des auteurs ayant conscience du défaut de consentement de la victime ou de l’impossibilité pour elle de l’exprimer[7].
Concernant l’application de la loi nouvelle dans le temps, le Conseil d’Etat, dans son avis consultatif du 11 mars 2025, a considéré que les nouvelles dispositions étaient seulement interprétatives, de sorte que la nouvelle définition a vocation à s’appliquer aux situations en cours au jour de son entrée en vigueur[8].
Néanmoins, ce changement initié par la loi du 6 novembre 2025 donnera vraisemblablement lieu à des débats devant les juridictions quant à la portée de celle-ci et son application aux faits antérieurs à son entrée en vigueur.
L’ajout du consentement dans la définition pénale des violences sexuelles répond à une attente importante de mieux lutter contre les violences sexuelles mais ce seul changement législatif ne suffira certainement pas à répondre au flux de plaintes en l’absence de moyens supplémentaires et un meilleur accompagnement des victimes.
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[1]https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/a-l-assemblee-nationale-et-au-senat/avis-sur-une-proposition-de-loi-visant-a-modifier-la-definition-penale-du-viol-et-des-agressions-sexuelles
[2]https://www.seban-associes.avocat.fr/donnees-chiffrees-de-la-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes-un-phenomene-dampleur-face-au-faible-taux-de-poursuites-penales/
[3] Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, organe indépendant en charge de veiller à la mise en œuvre de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul), celle-ci avait été ratifiée par la France en 2014
[4]https://www.coe.int/fr/web/portal/-/violence-against-women-in-france-strengthening-protection-for-victims-and-measures-to-combat-sexual-violence
[5] CEDH, L. et autres c/France, n° 46949/21 et deux autres, 24 avril 2025, §249
[6] Ibid., §250
[7] Crim.11 janvier 2017, n° 15-86.680, Crim.4 septembre 2019, n° 18-85.419, Crim.11 septembre 2014, n023-86.657.
[8]https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus/a-l-assemblee-nationale-et-au-senat/avis-sur-une-proposition-de-loi-visant-a-modifier-la-definition-penale-du-viol-et-des-agressions-sexuelles