Droit du travail et de la sécurité sociale
le 25/09/2025

Droit de se taire : le Conseil constitutionnel refuse de l’étendre aux relations de travail avec les salariés

CC, 19 septembre 2025, Décision QPC n° 2025-1160/1161/1162

La notion du droit de se taire a longtemps été l’objet d’interrogations en droit du travail, puisque ce droit était sanctuarisé en droit pénal et étendu pour le droit de la fonction publique.

Les praticiens en la matière attendaient donc impatiemment que le Conseil constitutionnel se positionne sur le sujet dans le cadre du droit du travail au regard de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées à ce sujet. Chose faite le 19 septembre 2025 : les « Sages » refusent de consacrer le droit de se taire dans les relations de travail.

Remise en contexte.

Par trois QPC sur des affaires distinctes mais portant sur des problématiques similaires, les requérants contestaient la constitutionnalité des dispositions du Code du travail relatives à l’entretien préalable à un licenciement pour motif personnel ou à une sanction, dont le contenu prévoit « l’employeur indique les motifs de la décision [ou sanction] envisagée et recueille les explications du salarié » (articles L. 1232-3 et L. 1332-2 du Code du travail).

Il était reproché au texte susvisé de ne pas prévoir l’information du salarié par l’employeur de son droit de se taire lors de l’entretien alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre. Ainsi, il y aurait une méconnaissance des exigences découlant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacrant la présomption d’innocence.

En d’autres termes, la question était de savoir s’il y avait une obligation d’informer les salariés de leur droit de se taire lors des entretiens préalables.

Verdict et arguments du Conseil constitutionnel.

La réponse du Conseil est claire, ces dispositions sont parfaitement conformes à la Constitution pour les raisons suivantes :

  • « D’une part, le licenciement et la sanction décidés par un employeur à l’égard d’un salarié ou d’une personne employée dans les conditions du droit privé ne relèvent pas de l’exercice par une autorité de prérogatives de puissance publique.
  • D’autre part, de telles mesures sont prises dans le cadre d’une relation régie par le droit du travail et ont pour seul objet de tirer certaines conséquences, sur le contrat de travail, des conditions de son exécution par les parties.
  • Ainsi, ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées.»

Cette position apporte donc une sécurité juridique pour les employeurs puisque le défaut d’information du droit de se taire ne présente pas de risques de remise en cause des procédures actuelles et passées. Elles pourront donc continuer à conduire les entretiens préalables selon les modalités actuelles.

Spécificité du droit du travail par rapport au droit pénal et au droit disciplinaire public.

En refusant d’importer le droit de se taire aux relations de travail, cette décision majeure opère une distinction nette entre le droit du travail et les matières pénales et publiques pour lesquelles les garanties procédurales diffèrent.

En effet, si pour la matière pénale la consécration du droit de se taire ne fait pas débat, c’est plus récemment que le Conseil d’État a reconnu ce droit pour les agents publics mis en cause dans le cadre d’une procédure disciplinaire (CE, 19 décembre 2024, nos 490157 et 490952).

Le Conseil Constitutionnel marque ainsi une distinction nette en la matière entre les salariés et les fonctionnaires et agents publics.