Contrats publics
le 22/05/2025

Confirmation de la régularité de la procédure de passation de la concession d’exploitation du stade de France et utiles rappels procéduraux

CE, 17 avril 2025, n° 501427

Dans un arrêt du 17 avril 2025, le Conseil d’Etat était saisi d’un pourvoi en cassation formé par un concurrent évincé de la procédure d’attribution de la concession d’exploitation du Stade de France dirigé contre l’ordonnance du 6 février 2025 du Juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Montreuil par laquelle le Tribunal avait rejeté son recours en référé précontractuel.

Dans sa décision, qui rejette le pourvoi et confirme l’ordonnance rendue par le Tribunal et la régularité de la procédure conduite, le Conseil d’Etat apporte d’intéressants précisions et rappels sur la procédure de passation des contrats de concession.

La société requérante a invoqué dix moyens à l’appui de sa requête pour contester la régularité de la procédure de passation en cause. Seront évoqués ci-après les aspects les plus intéressants de la décision

En premier lieu, le premier groupe de moyens invoqué par la société requérante portait sur l’analyse des candidatures par l’autorité concédante.

La société évincée soutenait tout d’abord que l’autorité concédante avait à tort pris en compte les références techniques d’une société, non membre du groupement candidat, mais faisant partie de ce que le règlement de la consultation qualifiait d’ « équipe technique ».

A cet égard, le Conseil d’Etat affirme, après avoir relevé qu’étaient produite dans l’offre une attestation du directeur général de ladite société indiquant qu’il disposerait de l’ensemble des capacités, compétences et moyens de cette société pour l’exécution du contrat de concession, que « eu égard à la portée très large tant de l’engagement ainsi pris par cette société que de la mission qu’entend lui confier le groupement », ses références pouvaient être prises en compte pour apprécier la capacité technique et professionnelle du groupement attributaire.

Ensuite, la société requérante soutenait que l’Etat avait porté une appréciation erronée sur les capacités économiques et financières du groupement attributaire, en prenant en compte le chiffre d’affaires des filiales de la société mandataire dudit groupement.

Après avoir rappelé que le contrôle du juge du référé précontractuel sur l’appréciation par la personne publique des garanties et capacités des candidats à un contrat de la commande publique est restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 17 septembre 2014, Société Delta Process, n° 378722), le Conseil d’Etat estime que le juge de première instance a valablement pu interpréter les documents de la consultation comme permettant à l’autorité concédante, compte tenu des spécificités de ce secteur d’activité, de prendre en compte le chiffre d’affaires généré par les filiales des candidats pour apprécier leur capacité économique et financière .

Pourtant, dans une décision en date du 15 mars 2019, le Conseil d’Etat avait jugé qu’en l’absence de tout engagement formalisé, une société fille ne pouvait se prévaloir des capacités et garanties financières de sa société mère (CE, 15 mars 2019, Société anonyme gardéenne d’économie mixte, n° 413584). Cette solution s’explique par la circonstance qu’une société mère contrôle sa société fille, de sorte qu’elle peut facilement se prévaloir des capacités de cette dernière, sans avoir à justifier d’un engagement formalisé.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat écarte un moyen tiré de l’insuffisance supposée de la définition des besoins de l’autorité concédante reposant sur la circonstance selon laquelle l’autorité concédante avait laissé aux candidats le soin de de conclure un accord avec des fédérations sportives quant au nombre et au type de matches susceptibles d’être accueillis. Rappelant sa jurisprudence en vertu de laquelle la définition du programme d’investissement peut être laissé à la charge des candidats « sous réserve qu’elle leur ait donné des éléments d’information suffisants sur la nécessité de prévoir des investissements, sur leur nature et leur consistance et sur le rôle qu’ils auront parmi les critères de sélection des offres » (CE, 6 novembre 2020, Société du Grand Casino de Dinan, 437946), le Conseil d’Etat considère qu’en l’espèce le tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant que l’autorité concédante avait ainsi apporté aux candidats une information suffisante sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire.

En troisième lieu, le Conseil d’Etat confirme la possibilité de prévoir un critère de jugement des offres fondé sur les flux financiers sollicités par le futur concessionnaire auprès de l’autorité concédante, d’une part, et versés par le concessionnaire à l’autorité concédante, en soulignant qu’« alors même qu’il prenait en compte une donnée prévisionnelle relative au niveau des redevances variables, (…) l’autorité concédante disposait de données financières précises, assorties d’engagements contractuels des soumissionnaires quant aux modalités de calcul de la redevance ». La validité du critère est donc confirmée sous réserve de ces éléments.

En quatrième lieu, la société requérante soutenait que l’offre finale du groupement attributaire était irrégulière, de sorte qu’elle ne pouvait pas être retenue. Ce faisant, la société se fondait sur une décision récente Espace Evasion en date du 30 décembre 2024 (n° 491266), par laquelle le Conseil d’Etat jugeait si une autorité concédante peut admettre, au stade de la négociation, un candidat ayant remis une offre initiale irrégulière ; elle est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l’issue de cette phase, de sorte qu’aucune régularisation n’est possible.

Toutefois, le Conseil d’Etat précise qu’au cas d’espèce, dès lors que des négociations exclusives avaient été engagées, postérieurement à la remise des offres finales, avec le groupement finalement déclaré attributaire, l’offre qualifiée de « finale » n’était pas une offre définitive, mais une offre intermédiaire encore susceptible de faire l’objet d’une négociation, et donc d’être régularisée. Par conséquent, le Conseil d’Etat en déduit que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit.