Fonction publique
le 12/03/2025

Précisions concernant la mise en demeure préalable à une radiation des cadres pour abandon de poste

CE, 30 décembre 2024, n° 471753

Par un arrêt du 30 décembre 2024, le Conseil d’État a jugé, s’agissant d’une mise en demeure préalable à une radiation des cadres pour abandon de poste, et contrairement aux solutions antérieures, que l’absence de mention dans celle-ci qu’un abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable est un vice qui n’entraine pas nécessairement l’annulation de la radiation.

Dans cette affaire, la requérante avait été recrutée par l’université Toulouse III Paul Sabatier en 2001 comme psychologue vacataire. Elle a sollicité en 2010 la requalification de son engagement en un CDI, ce qu’a refusé l’université. L’intéressée a alors saisi le Tribunal administratif de Toulouse, qui a annulé ce refus, et ce jugement a ensuite été confirmé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Celle-ci a enjoint à l’université de procéder à la régularisation du CDI de l’agent. Alors qu’elle n’assurait plus de vacations depuis 2010, elle a signé en 2017 le CDI proposé par l’université Toulouse III Paul Sabatier en exécution de cet arrêt. Elle n’a cependant pas pris ses fonctions en dépit des courriers qui lui ont été adressés par l’établissement. C’est dans ces conditions que le président de l’université a prononcé son licenciement pour abandon de poste le 24 mars 2017. Elle a alors contesté cette décision, et obtenu l’annulation auprès du TA de Toulouse, décision par la suite confirmée par la Cour administrative d’appel de Toulouse, au motif que les mises en demeure préalable à la décision de licenciement ne contenaient pas les fameuses mentions informant l’agent que la radiation des cadres qui serait prise si son absence persistait interviendrait sans procédure disciplinaire préalable. Leurs décisions étaient, sur ce point, conformes à la jurisprudence retenue jusque-là (CE, 6 mai 2021, Centre hospitalier Sud francilien, n° 428957 et CE, H…, 26 septembre 2014, n° 365918).

Saisi à son tour du litige, le Conseil d’Etat a infirmé ces décisions. Il juge que :

« si l’obligation pour l’administration d’impartir à l’agent un délai approprié pour rejoindre son poste et de l’avertir que, faute de le faire, il sera radié des cadres constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d’abandon de poste, et non une simple condition de procédure, il n’en va pas de même de l’indication qui doit lui être donnée, dans la mise en demeure écrite qui lui est adressée, que l’abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable ».

Or, en l’espèce, le Conseil d’Etat a relevé que la mise en demeure avait été signifiée à l’intéressée par acte d’huissier de justice et qu’en son absence, un avis de passage lui avait été laissé mais que l’intéressée n’était allée chercher le pli que postérieurement à la date à laquelle elle avait été mise en demeure de rejoindre son poste, sans faire état d’aucune circonstance l’ayant empêchée d’en prendre connaissance plus tôt. La haute assemblée en a déduit qu’elle ne pouvait utilement se prévaloir du vice de forme qui affectait la mise en demeure.

L’insuffisance des mentions prescrites par la règlementation dans la mise en demeure n’entraînera donc plus nécessairement l’annulation de la mise en demeure, puisque le juge pourra retenir que, lorsqu’il est établi que l’agent n’a, en tout état de cause, pas pris connaissance en temps voulu de cette mise en demeure, le défaut de mention n’a pas pu le priver d’une garantie, et ne peut donc affecter la légalité de l’acte.

Reste que cette décision, si elle est utile à la défense des administrations au contentieux, n’implique rien de nouveau s’agissant de la procédure de radiation pour abandon de poste : il conviendra toujours d’apposer sur la mise en demeure l’ensemble des mentions prescrites, car l’application de cette jurisprudence dépendra d’un facteur indépendant de la volonté ou de l’action de l’administration.