Propriété intellectuelle
le 13/02/2025
Gabrielle LAMBERT
Louise FLAMENT

Nullité d’une marque pour mauvaise foi : cas de l’appropriation du symbole de la ville de Vérone

Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), Chambres de recours, 26 novembre 2024, affaire R. 2061/2023 2

Une société privée de droit italien ayant enregistré une marque figurative représentant un motif emblématique de la ville de Vérone a fait l’objet d’une action en nullité à l’encontre de celle-ci par la municipalité sur le fondement de la mauvaise foi.

Le droit de l’Union européenne prévoit en effet la nullité d’une marque en cas de mauvaise foi de son titulaire lors du dépôt de la demande de marque [1]. Bien que cette notion ne soit pas définie clairement dans les textes européens, la jurisprudence a pu en préciser les contours. La mauvaise foi implique ainsi un comportement qui s’écarte des principes reconnus comme caractérisant un comportement éthique ou des pratiques loyales en matière industrielle ou commerciale[2].

Plus particulièrement, la décision commentée reprend les critères dégagés par la jurisprudence précédente, notamment :

  • Le fait que le titulaire de la marque litigieuse ait eu connaissance de l’utilisation par un tiers d’un signe susceptible d’être confondu avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;
  • L’intention du titulaire d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser ledit signe au moyen de sa marque ;
  • Le degré de protection juridique du signe précédemment utilisé par le tiers (que ce soit via un titre de propriété intellectuelle, ou par la renommée du signe qui est acquise depuis un certain laps de temps du fait de l’utilisation qui en est faite)[3].

La jurisprudence a en outre posé le principe selon lequel la bonne foi du titulaire de la marque est présumée, la preuve contraire est donc à la charge de celui qui agit en nullité.

Dans cette affaire, la chambre de recours de la CJUE a considéré que :

  • le signe de la marque contestée était identique avec un signe devenu un symbole emblématique de la ville de Vérone, hautement reconnaissable ;
  • l’intention du titulaire de la marque litigieuse était de créer un monopole injuste sur le signe de la ville afin d’empêcher quiconque de pouvoir l’exploiter (ce qui comprenait notamment le club de foot de Vérone) ;

Pour ces raisons, la chambre de recours a annulé la marque contestée sur le fondement de la mauvaise foi du déposant.

En France, une collectivité pourra invoquer cette décision en fondant son action sur l’article L. 711-2 11 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit, au niveau national, la nullité d’une marque si le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.

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[1] Article 59, §1, b) du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (RMUE) ; voir aussi en droit français à l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle

[2] 13/12/2012, T-136/11, Pelikan, UE:T:2012:689, § 57

[3] 11/06/2009, C-529/07, Lindt Goldhase, EU:C:2009:361, § 47 et 53