Mobilité et transports
le 12/12/2024

Validation du critère de la proximité géographique des candidats dans une concession de dépannage, remorquage de véhicules justifié par des impératifs de sécurité et de rapidité

CAA Versailles, 17 octobre 2024, n° 22VE00945

Par principe, le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution[1]. Ainsi, pour attribuer le contrat de concession, l’autorité concédante doit se fonder sur une pluralité de critères non discriminatoires[2].

Dans ce cadre, l’acheteur ne peut pas utiliser un critère de proximité géographique si ce dernier porte atteinte aux principes fondamentaux applicables à la commande publique. Et le juge administratif contrôle, à l’occasion de l’analyse des critères d’attribution, que ces derniers ne comportent aucun critère géographique interdit[3].

Dans la présente affaire, le préfet de l’Essonne avait lancé, en 2019, un appel à candidature en vue de l’attribution de concessions pour confier des missions de dépannage, remorquage et mise en fourrière de véhicules sur les routes et autoroutes du département. La société Eurautos, qui ne s’est pas vue attribuée de concession, en demandait l’annulation en estimant, notamment, que la mise en œuvre du critère géographique était illégale.

En l’occurrence, le Préfet s’était fondé sur quatre critères dont celui de la « localisation géographique du ou des installations du candidat au regard de la nécessité d’une intervention rapide en tous points du secteur » pour apprécier les offres.

La société requérante estimait que ce critère, apprécié en tenant compte de la distance entre cinq points de référence avait été choisis discrétionnairement par l’administration et que, ce faisant, était discriminatoire et sans lien avec l’objet du contrat ou à ses conditions d’exécution. Selon la requérante, il ne permettait donc pas de juger de la rapidité de l’intervention des concessionnaires qui dépendait des conditions de circulation et de l’organisation mise en œuvre par l’entreprise pour garantir un départ immédiat du véhicule d’enlèvement.

Or, pour la Cour administrative d’appel de Versailles (« la Cour »), ce critère était en lien avec l’objet du marché et les conditions d’exécution du marché en ce qu’il imposait au concessionnaire « pour des raisons de sécurité, des interventions rapides limitées à trente minutes pour l’enlèvement des véhicules légers en panne ou accidentés sur des axes très fréquentés que sont notamment l’autoroute A6 ou les routes nationales n° 6 et 14. Les points de référence ont par ailleurs été définis par le pouvoir adjudicateur lors de réunions préparatoires en présence des forces de l’ordre, du gestionnaire de voirie et des organisations professionnelles de dépanneurs et fouriéristes et couvrent l’ensemble du secteur concerné de façon homogène ».

Ainsi, pour la Cour, ces points ont certes été choisis de manière discrétionnaire, mais pas arbitraire pour autant.

Elle ajoute que « si un tel critère ne tient pas compte des conditions de circulation, celles-ci dépendent toutefois de facteurs multiples indépendants des candidats et ne pouvaient qu’être difficilement appréhendées par des mesures objectives au stade de la passation du contrat ».

Là encore, la Cour fait preuve de pragmatisme en estimant que l’acheteur a essayé d’être le plus objectif possible en appliquant la méthode de notation la moins subjective[4].

Enfin, la société critiquait le fait qu’en cas de pluralité de sites d’intervention des candidats, seule la moyenne des distances d’éloignement de tous les sites du candidat était prise en compte.

Or pour la Cour, « cette méthodologie a conduit à tenir compte, pour l’analyse des offres, de distances supérieures à celles constatées en cas de départ du dépôt le plus proche. Par suite, celle-ci n’a pas pu conduire à favoriser les sociétés attributaires, disposant toutes de deux sites, contrairement à la société requérante. Par ailleurs, la multiplicité des sites d’exploitation est de nature à favoriser une plus grande rapidité d’intervention en tout point du secteur ».

En conclusion, la Cour valide donc ici le critère de proximité géographique, estimant qu’il est justifié par les impératifs de sécurité et de rapidité exigés par le marché[5].

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[1] Article L. 3124-5 du code de la commande publique

[2] Article R. 3124-4 du code de la commande publique

[3] Julie Oger, « Le verdissement de la commande publique au secours du critère géographique », La Gazette de l’IDPA, n° 55, avril 2024

[4] Justine Lauer, « Feu vert pour le critère géographique ? », Achat Solutions, octobre 2024

[5] Etienne Ducluseau, « Quand le juge administratif valide un critère géographique », Achatpublic, décembre 2024