Environnement, eau et déchet
le 04/12/2024
Simon JUPIN-BOSSERSimon JUPIN-BOSSER

Annulation du décret sur l’emballage plastique de certains fruits et légumes

CE, 8 novembre 2024, n° 475669

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) a consacré l’interdiction de conditionner les « fruits et légumes frais non transformés », dans un emballage composé, pour tout ou partie, de plastique (article L. 541-15-10, III, al. 16 du Code de l’environnement).

Il est possible de déroger à cette interdiction pour les lots supérieurs à 1,5 kg ou pour les « fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret ».

En application de cette disposition, un premier décret a été adopté en 2021 (Décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021), avant de faire l’objet d’une annulation contentieuse par le Conseil d’État (CE, 9 décembre 2022, n° 458440).

À la suite de cette annulation, un nouveau décret (Décret n° 2023-478 du 20 juin 2023) a été adopté par le Gouvernement.

Un recours en annulation contre ce dernier décret, formé par deux syndicats professionnels du secteur, a été accueilli par l’arrêt, ici commenté, du Conseil d’État, le 8 novembre 2024. Celui-ci s’est fondé sur un vice substantiel de procédure.

En principe, conformément à la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015, les projets de normes techniques doivent faire l’objet d’une communication par les États membres auprès de la Commission (article 5, §1 de la directive précitée). Un report d’adoption de trois mois est prévu (art. 6, §1), susceptible d’être allongé à 12 mois « si, dans les trois mois qui […] suivent [la communication], la Commission fait part du constat que le projet de règle technique porte sur une matière couverte par une proposition de directive, de règlement ou de décision présentée au Parlement européen et au Conseil » (art. 6, §4).

En l’espèce, le Gouvernement a respecté l’obligation initiale de communication à la Commission. Celle-ci a invité la France à un report de 12 mois, dans la mesure où son objet était susceptible de couvrir celui du projet de règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages. Or, le Gouvernement ne s’est pas conformé au délai de report prescrit par la Commission – de douze mois, soit jusqu’au 15 décembre 2023 – en adoptant le décret litigieux le 20 juin 2023.

À ce titre, au visa de la jurisprudence Papier Mettler Srl c/ Italie de la CJUE (CJUE, 21 décembre 2023, C86/22) le Conseil d’État annule le décret, en ce qu’il est « entaché, du fait de son adoption avant l’expiration de la période de report […] », telle que demandée par la Commission, « d’un vice substantiel justifiant son annulation […] ».

Cette annulation intervient dans un contexte où la procédure d’adoption du nouveau règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages, réformant la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 est largement avancée. Un nouveau décret, s’il était adopté dans les mêmes conditions, risquerait d’être soumis à cette même période de report décidée par la Commission.