Environnement, eau et déchet
le 10/10/2024
Simon JUPIN-BOSSERSimon JUPIN-BOSSER

Projet d’arasement de barrage : le changement d’affectation d’un bien à l’origine de la perte du droit d’eau fondé en titre

CE, 17 septembre 2024, n° 497441

La question des droits d’eau fondés en titre a été largement précisée par la jurisprudence administrative mais reste source de nombreuses incertitudes. Dans une décision en date du 17 septembre 2024, le Conseil d’État annule une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Besançon, en précisant en quoi un droit d’eau fondé en titre peut se perdre par changement de destination de l’immeuble y étant rattaché.

Pour mémoire, les droits ou prises d’eau fondés en titre sont des droits réels immobiliers, correspondant alternativement aux « […] prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux […] », aux « […] prises d’eau sur des cours d’eau domaniaux fondées sur des droits acquis antérieurement à l’édit de Moulins […] » ainsi qu’aux « […] prises d’eau exploitées en vertu de droits acquis dans le cadre de la vente de biens nationaux […] » (T. conflits, 8 juin 2020, n° C4190).

En l’espèce, le contentieux portait sur un arrêté préfectoral du 30 avril 2024 accordant une autorisation environnementale à l’EPAGE Doubs Dessoubre, pour la réalisation de travaux d’arasement sur un barrage en vue de restaurer la continuité piscicole et morphologique du cours d’eau.

Des particuliers, revendiquant la propriété d’une moitié dudit barrage, ont exercé un référé liberté auprès du Tribunal administratif de Besançon en invoquant une atteinte à « […] leur droit d’usage de l’eau fondé en titre, mais aussi à leur droit de propriété sur cet ouvrage […] ». Ils demandaient ainsi la suspension des travaux d’arasement. Le tribunal a fait droit à leur demande par une ordonnance de référé du 23 août 2024 (Tribunal administratif de Besançon, n° 2401559).

Le Conseil d’État a annulé cette ordonnance. Il rappelle que le droit d’eau, en tant que droit réel immobilier, est distinct du droit de propriété. Il poursuit son raisonnement en jugeant que le droit d’eau fondé en titre avait disparu, « […] ayant été perdu à raison du changement d’affectation de ce bâtiment [devenu immeuble d’habitation] et de la disparition définitive de l’ensemble de ses installations destinées à utiliser la pente et le volume de l’eau qui en est résulté […] ». Les requérants « ne peuvent dès lors se prévaloir d’un tel droit », quel que soit l’état du cours d’eau et du bief d’alimentation.

Par ailleurs, l’atteinte au droit de propriété invoqué par les requérants au titre de l’article L. 215-2 du Code de l’environnement ne pouvait être établi pour le juge administratif, la berge constituant la rive droite du cours d’eau n’appartenant pas à la propriété des requérants.

Cette décision précise encore le régime des droits d’eau fondés en titre, dans la lignée d’une décision antérieure du Conseil d’État, rendue le 24 avril 2019 (CE, ministre de la Transition Ecologique, n° 420764) laquelle avait apporté des précisions quant à la notion de ruine de l’ouvrage, autre facteur susceptible d’anéantir le droit d’eau fondé en titre.