La Cour de cassation, par un arrêt récent en date du 10 septembre 2024, confirme sa position concernant l’effet interruptif sur le délai de prescription de l’action publique de soit-transmis rendus par le procureur de la République. En effet, la Chambre criminelle déclare que le soit-transmis par lequel le procureur identifie la procédure et demande aux officiers de police l’état d’avancement de manière urgente et précise constitue un acte interruptif du délai de prescription. En l’espèce, la tutrice d’un majeur protégé déposait plainte pour des faits d’abus de faiblesse, le 2 août 2012.
Par la suite, les enquêteurs rédigeaient deux procès-verbaux d’investigation, le 8 août 2012 et le 21 novembre 2012, ces deux actes étaient interruptifs. Entre le 27 octobre 2012 et le 14 juin 2015, cinq soit-transmis avaient été adressés par le procureur de la République au service enquêteur aux fins de se renseigner sur l’état d’avancement de la procédure ou pour joindre un courrier de relance de l’avocat de la plaignante. Enfin, cette dernière, représentée par sa tutrice, décidait de déposer une plainte avec constitution de partie civile, le 23 décembre 2015.
Le 29 janvier 2016, une information judiciaire était ouverte contre personne non dénommée des chefs d’abus de faiblesse et d’escroquerie. Cette procédure se soldait, le 23 décembre 2022, par une ordonnance de non-lieu pour cause d’acquisition de la prescription, celle-ci était ensuite confirmée par la chambre de l’instruction. En effet, cette dernière juridiction considérait que le délai de prescription de trois ans prévu par l’article 8 du Code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi de 2011[1], était écoulé. Dans sa motivation, la chambre de l’instruction constatait qu’entre le dernier procès-verbal datant du 21 novembre 2012 et la constitution de partie civile du 23 décembre 2015, le délai de 3 ans s’était écoulé et partant la prescription de l’action publique était acquise. Cette juridiction estimait que les soit-transmis ne manifestaient, en l’absence d’instruction précise du parquet, aucune volonté de poursuite des faits dénoncés de la part du ministère public.
Ce raisonnement est censuré par la chambre criminelle au visa des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la réforme de 2017, en considérant que les 5 soit-transmis susvisés démontrent une « volonté de rechercher des infractions à la loi pénale et d’en assurer la poursuite », puisque « le procureur de la République a enjoint les officiers de police judiciaire de lui rendre compte, précisément et en urgence, de l’état d’avancement de l’enquête en cours ».
Cette solution est une nouvelle déclinaison, en matière délictuelle, de la solution dégagée par un arrêt du 20 février 2002[2], dans l’affaire concernant les disparues de l’Yonne, où le soit-transmis du procureur de la République près le Tribunal de grande instance d’Auxerre avait été considéré comme interruptif de prescription ouvrant ainsi la possibilité aux poursuites d’Emile LOUIS.
[1] LOI n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs
[2] C.Cass, Crim. n° 01-85.042, 20 février 2002, Bull.crim 2002, n° 42