L’Union Européenne est l’un des principaux émetteurs d’obligations vertes dans le monde. En 2023, plus de la moitié du volume mondial des obligations vertes provenait d’Europe[1].
Initiée en 2018 par la Commission et adoptée en 2020[2], la taxonomie verte de l’UE est un système de classification des activités économiques conçu pour identifier celles qui sont écologiquement durables et qui n’accentuent pas le changement climatique. Elle a pour objectif de diriger les investissements privés vers des activités respectueuses de l’environnement, dans le but d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050[3]. Elle s’appuie sur six objectifs environnementaux majeurs, dont l’atténuation du changement climatique, la prévention et la réduction de la pollution ou encore, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes[4].
En 2023, la Commission a étendu la taxonomie aux secteurs de l’aviation et du maritime, en justifiant cette inclusion, notamment, par le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’aviation, qui pourrait ainsi contribuer significativement à la décarbonation des transports et à l’atténuation du changement climatique[5]. Or, même si ces secteurs sont essentiels à l’économie européenne, leur inclusion a suscité des vives critiques, notamment de la part de plusieurs eurodéputés écologistes avant son adoption[6] puis par des organisations non gouvernementales (« ONG ») environnementales[7] au regard des objectifs climatiques fixés par l’UE.
En mai 2023, les eurodéputés ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis notamment des critères maritimes, en estimant que ces critères prolongeraient les investissements dans les navires à moteur à combustion et compromettant les alternatives à faible teneur en carbone. Ils ont souligné que cela irait à l’encontre de l’objectif initial de la taxonomie et les objectifs climatiques de l’UE[8].Haut du formulaire Bas du formulaire
Puis en janvier 2024, les ONG ont introduit sans succès une demande de réexamen des critères devant la Commission[9]. En conséquence, ces ONG ont annoncé le 28 août 2024 avoir déposé un recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») contestant cette inclusion[10]. Elles dénoncent une forme de « greenwashing », en affirmant que ces activités, encore fortement dépendantes des combustibles fossiles, ne devraient pas bénéficier du label « durable » sans des conditions plus strictes. Pour ces ONG, dès lors que la taxonomie de l’UE doit inclure des activités qui soutiennent un objectif de 1,5°C[11], elles estiment que l’UE a ignoré cela en intégrant des avions et navires fonctionnant aux combustibles fossiles qui causent une pollution importante et posent un risque sérieux pour les objectifs climatiques de l’UE pour 2030 et 2050.
Par ailleurs, ce n’est pas la première affaire soumise à la CJUE sur les critères de la taxonomie. Une affaire similaire est déjà pendante devant elle. En 2023, après l’introduction du gaz naturel et du nucléaire, des ONG telles que Greenpeace[12] ont saisi la CJUE afin de contester l’introduction de ces secteurs.
En conclusion, les décisions à venir de la CJUE pourraient ainsi redéfinir les contours de la taxonomie verte et son rôle dans la transition écologique de l’Union européenne.
Affaires à suivre…
[1] Rapport 2023 sur l’état du marché dans le monde, Climate Bonds Initiative ; le chiffre couvre les émissions souveraines et privées, et inclut le Royaume-Uni ainsi que l’AELE.
[2] Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
[3] Commission européenne, Taxonomie verte : mode d’emploi !, 13 janvier 2022
[4] Article 9 du Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
[5] RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2023/2485 DE LA COMMISSION du 27 juin 2023 modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 par des critères d’examen technique supplémentaires permettant de déterminer à quelles conditions certaines activités économiques peuvent être considérées comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si ces activités ne causent de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux
[6] European Parliament, Greens/EFA reaction to draft Taxonomy technical screening criteria, May 3rd 2023
[7] Fossielvrij, Protect our Winters, Dryade, CLAW and Opportunity Green
[8] European Parliament, Greens/EFA reaction to draft Taxonomy technical screening criteria, May 3rd 2023
[9] NGOs launch legal challenge against EU’s bid to label fossil fuel planes and ships as green, January 16th 2024
[10] NGOs take the EU Commission to Court over flawed sustainable finance criteria that label polluting planes and ships as green, August 28th 2024
[11] « Les critères d’examen technique visés au paragraphe 1 comprennent également des critères concernant les activités liées à la transition vers une énergie propre compatibles avec un profil d’évolution visant à limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, notamment l’efficacité énergétique et les sources d’énergie renouvelables, dans la mesure où ces activités apportent une contribution substantielle à la réalisation d’objectifs environnementaux. » Article 19 du Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)
[12] Taxonomie : Greenpeace saisit la justice contre la Commission européenne pour stopper le greenwashing du gaz et du nucléaire, 18 avril 2023.