Propriété intellectuelle
le 11/07/2024
Gabrielle LAMBERT
Zoé LE MORVAN THOMAS

Utilisation du nom et du logo « Nouveau Front Populaire » (NFP) dans la communication électorale : compétence du juge judiciaire ou du juge électoral ?

CA Paris, 27 juin 2024 n° 24/11053

Dans une affaire récente, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal judiciaire d’Évry, déclarant son incompétence pour statuer sur l’utilisation contestée de l’appellation et du logo « Nouveau Front Populaire » (NFP) pendant la campagne électorale des dernières élections législatives, le requérant n’ayant pas fondé son action sur un titre de droit de propriété intellectuelle.

Le litige est né dans une circonscription de l’Essonne, où deux candidats de gauche étaient en lice pour les élections législatives. Le candidat soutenu par une association politique locale a contesté l’utilisation par son opposant de l’appellation « Nouveau Front Populaire » et de son logo, arguant que cela créait une confusion parmi les électeurs.

Le juge des référés du Tribunal judiciaire d’Évry a rendu une ordonnance le 21 juin 2024, déclarant son incompétence rationae materiae pour statuer sur cette affaire. Il a fondé sa décision sur le principe de la compétence exclusive du Conseil constitutionnel pour tous les actes liés aux opérations électorales, juge de l’élection. Les demandeurs ont interjeté appel, soutenant que le juge judiciaire était compétent pour intervenir afin de faire cesser le trouble manifestement illicite causé par l’utilisation de l’appellation « Nouveau Front Populaire » dans les documents autres que ceux prévus par la communication électorale organisée par la loi. En effet, ils ont argué que l’utilisation de ces termes induisait les électeurs en erreur et faussait la sincérité du scrutin, en ajoutant que l’opposant se présentait illégitimement sous cette appellation, prétendant faussement être investi par le NFP.

Le 27 juin 2024, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des référés d’Évry, confirmant l’incompétence du juge judiciaire pour statuer sur cette affaire. La Cour a souligné que les actes de communication électorale, même ceux réalisés en dehors des supports officiels, relèvent du contentieux électoral, compétence exclusive du Conseil constitutionnel.

En précisant que « la compétence de la juridiction judiciaire requiert l’existence d’une atteinte à un droit privatif, ce trouble n’étant pas détachable du cadre de la fonction électorale », la Cour a jugé que le trouble invoqué relevait du contentieux électoral. Cette décision renforce la distinction stricte entre le contentieux électoral et les compétences du juge judiciaire. Elle met en lumière les limitations imposées au juge judiciaire lorsqu’il s’agit de questions touchant directement ou indirectement aux opérations électorales et à leur régularité, tant qu’elles ne sont pas détachables du cadre de la fonction électorale. En ce sens, la décision en date du 27 juin 2024 de la Cour d’appel de Paris réaffirme l’exclusivité de la compétence du juge de l’élection en matière de contentieux électoral, garantissant ainsi une régulation cohérente et spécialisée de ces questions sensibles.

Cependant si le requérant avait fondé son action sur la marque protégeant le nom ou le logo du NFP, un usage frauduleux de cette marque ainsi que des actes de contrefaçon auraient pu être considérés comme des bases légitimes pour une action devant le tribunal judiciaire.