Droit pénal et de la presse
le 11/07/2024
Eugénie LIOTEugénie LIOT

Violences conjugales, la situation des anciens conjoints précisée

Cass. Crim., 2 mai 2024, n° 23-85.986

En France, la répression des violences dépend de leurs conséquences sur la victime évaluée en nombre de jours d’incapacité totale de travail (ITT) et du contexte dans lequel l’infraction s’est déroulée. Ainsi, la situation de la victime, son activité ou son lien avec l’auteur aura pour conséquence d’aggraver la peine encourue par ce dernier. Les conséquences de ces circonstances aggravantes ne sont pas négligeables puisque l’infraction peut passer d’une simple contravention à un délit et la peine encourue est bien supérieure. Cette contravention, réprimée par l’article R624-1 du Code pénal à hauteur de 750 euros, passe alors au rang de délit, puni par l’article 222-13 du Code pénal de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende lorsque les violences sont commises par le conjoint, concubin, ou partenaire de PACS.

L’article 132-80 du Code pénal ajoute que cette circonstance aggravante est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime. Cependant, dans ce dernier cas, la circonstance aggravante ne peut être retenue que si l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime. Il est évident que cette notion est difficile à appréhender et qu’il est manifestement compliqué de connaitre les motivations d’un passage à l’acte violent. C’est sur cette question que s’est penchée la Cour de cassation dans son arrêt de la Chambre criminelle du 2 mai 2024.

En l’espèce, une femme a été victime de violences de la part de son ex-conjoint dans le contexte d’un différend à propos du droit de visite et d’hébergement de leur enfant commun, dont le juge aux affaires familiales avait été saisi. Dans ce contexte, la circonstance aggravante n’avait pas été retenue par la Cour d’appel, au motif que le différend ne concernait pas la relation ayant existé entre l’auteur des faits et la victime mais leurs enfants.

En opposition à ce raisonnement, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en précisant que la prise en charge de l’enfant commun concernait en tout point l’ancienne relation du couple des intéressés. Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus général du droit qui tend à prendre davantage en compte les violences conjugales dans les décisions relatives aux enfants et réciproquement. C’est le cas notamment dans la prise en compte des violences faites à l’un des parents afin de fixer le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent.

Plus largement cette décision de la Cour de cassation renforce la protection des victimes de violences intrafamiliales et elle doit à ce titre être saluée.

En admettant la constitution de cette circonstance aggravante, élargissant donc son champ d’application à la prise en charge de l’enfant commun comme élément de l’ancienne relation du couple, la Chambre criminelle étend à nouveau les possibilités de réprimer les violences conjugales.