Mobilité et transports
le 04/07/2024

Le Conseil d’État annule la procédure de passation d’une délégation de service public au regard de sa méthode de notation irrégulière

CE, 7 juin 2024, n° 489404

Par principe, l’autorité concédante définit librement la méthode d’évaluation des offres dans le cadre de l’attribution d’une délégation de service public (« DSP »). Cette méthode doit néanmoins respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Comme le rappelle Lucienne Erstein, « pour que le choix de l’offre auquel elle aboutit soit régulier, la méthode doit éviter deux écueils. D’une part, elle ne doit pas priver les critères retenus de leur portée ou neutraliser leur pondération (marchés publics) ou hiérarchisation (concessions). D’autre part, il convient d’éviter que, pour chaque critère, la meilleure offre ne soit pas la mieux classée ou, pour l’ensemble des critères, que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie »[1].

Dans cette affaire, la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale avait lancé une procédure de consultation en vue d’attribuer une DSP relative à la gestion des services de mobilités. A l’issue de cette procédure, la communauté d’agglomération a retenu l’offre variante de la société RATP Développement. Or, les sociétés Keolis[2] et Transdev, candidates évincées, ont contesté cette décision d’attribution. Le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a annulé cette procédure[3]. La communauté d’agglomération et la société RATP Développement ont donc saisi le Conseil d’Etat afin qu’il annule l’ordonnance du juge des référés.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat estime que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que toute irrégularité entachant la méthode de notation lèse nécessairement l’ensemble des candidats, sans rechercher si les sociétés Keolis et Transdev étaient susceptibles de se voir attribuer la DSP.

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle son considérant issu de la jurisprudence commune de Saint-Cyr-sur-Mer[4] :

« Une méthode d’évaluation est toutefois entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l’autorité concédante, qui n’y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d’évaluation ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat estime que la méthode d’évaluation utilisée par la communauté d’agglomération était effectivement irrégulière dès lors qu’elle était susceptible de conduire à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

« La méthode d’évaluation mise en œuvre en l’espèce par l’autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d’appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L’offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu’elle n’était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l’appréciation qu’elle portait sur la valeur respective des offres, d’un mode d’attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d’attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l’autorité concédante a retenu une méthode d’évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l’ensemble des critères, l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Dans ces conditions, les sociétés Keolis et Transdev sont fondées à soutenir que la méthode d’évaluation mise en œuvre par l’autorité concédante est entachée d’irrégularité. ».

En conséquence, le Conseil d’État annule l’ordonnance du juge des référés et l’intégralité de la procédure de consultation.

 

[1] Lucienne ERSTEIN, « méthode de notation des offres : la simplicité est un gros défaut », la Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 24, 17 juin 2024, act. 332.

[2] Qui est le concessionnaire sortant

[3] Tribunal administratif de Rennes, 31 octobre 2023, req. n° 2305258

[4] CE, 3 mai 2022, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n° 459678