le 21/09/2017

La Cour Européenne des Droits de L’Homme : la liberté d’expression des conseillers municipaux

CEDH, 7 septembre 2017, n°41519/12

Dans cette affaire, le requérant, maître de conférences en géologie, exerçait les fonctions de conseiller municipal. En qualité de membre des commissions des finances et des appels d’offre de la Commune, il était chargé du suivi d’une opération de sécurisation et d’aménagement du domaine public d’une route située sur le territoire de cette collectivité. Au cours de l’année 2009, il dénonçait au Préfet des Alpes-Maritimes et à la Chambre régionale des comptes ce qu’il considérait comme des irrégularités affectant deux marchés publics relatifs à cette opération de sécurisation et d’aménagement.

Une enquête préliminaire était ouverte concernant le marché de travaux publics critiqué par le requérant.

Dans le prolongement de ces dénonciations, et à l’occasion d’une séance du conseil municipal au cours de laquelle était discuté un avenant au contrat conclu avec la société choisie pour réaliser les travaux en cause, le requérant adressait au Maire ainsi qu’à sa première adjointe les propos suivants : « J’accuse le maire et la première adjointe d’escroquerie […]sur le marché public de la route de la Clave […] et je demande leur démission » ; ces propos étaient rapportés dans le quotidien NICE MATIN. Après dépôt d’une plainte du chef de diffamation, le Tribunal correctionnel saisit déclarait le requérant coupable du délit de diffamation publique, au motif qu’il n’avait pas établi la réalité des faits dénoncés. Alors que la Cour d’appel confirmait ce jugement, la Cour de cassation déclarait le pourvoi formé par le requérant non-admis.

C’est dans ces conditions qu’il saisissait la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme estimant que sa condamnation pénale pour diffamation entraînait une violation de son droit à la liberté d’expression.

Dans son arrêt rendu le 7 septembre 2017, la CEDH considère que la condamnation pénale du requérant pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public constitue une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Elle souligne en outre que cette liberté « précieuse pour chacun, […] l’est tout particulièrement pour un élu du peuple ; il représente ses électeurs, signale leurs préoccupations et défend leurs intérêts » (§ 40). Elle relève enfin qu’une enquête ayant été ouverte par le Procureur de la République, cela signifiait que les informations transmises étaient suffisamment précises (§ 47) et ajoute que « si les propos ont été tenus sur le ton de l’invective, ils étaient fondés sur une base factuelle suffisante » (§ 49).

Enfin et revenant sur la nature de la sanction infligée au requérant – amende de 1.000 euros assortie d’un euro à titre de dommages-intérêts – afin d’évaluer la proportionnalité de l’ingérence, la CEDH rappelle conformément à sa jurisprudence, qu’elle a d’ores et déjà incité les autorités internes à faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pénale (Morice c. France, [GC], n° 29369/10, § 176, 23 avril 2015) estimant que « le prononcé même d’une condamnation pénale est l’une des formes les plus graves d’ingérence dans le droit à la liberté d’expression, eu égard à l’existence d’autres moyens d’intervention et de réfutation, notamment par les voies de droit civile » (§ 50).