le 05/05/2015

3ème ligne de quittance : la contribution du locataire aux travaux d’économie d’énergie

Selon la Caisse des dépôts, un logement social sur cinq est énergivore, c’est-à-dire que sa consommation annuelle d’énergies dépasse les 230 kWhep/m²/an (le kWhep – kilowatt/heure d’énergie primaire – est l’unité de mesure utilisée dans la réglementation thermique ou lors d’un diagnostic de performance énergétique). En matière de transition énergétique, le projet de loi pour la croissance verte prévoit désormais que les logements sociaux vendus devront répondre à la réglementation Bâtiment de Basse Consommation.

Le décret n° 2014-1648 du 26 décembre 2014, applicable au 1er janvier 2015, insère un article R. 443-11-1 au Code de la construction et de l’habitation (CCH) pour interdire la vente des logements sociaux collectifs dont la consommation énergétique dépasse le seuil de 330 kWhep/m2/an. Ainsi, depuis le mois de janvier, les logements sociaux dépassant le seuil de 330 kWhep/m2/an sont interdits à la vente. L’impact de cette mesure est considérable (selon certains, cette disposition empêcherait de vendre 3,2 millions de logements, soit 60% du parc).

Pour le secteur privé, le Président de la République François Hollande avait affiché l’intention d’interdire également la vente de logements les moins bien classés dans le cadre du diagnostic de performance énergétique n’ayant pas fait l’objet de rénovations.

C’est l’occasion de rappeler le dispositif  prévu en la matière par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 (dite MOLLE) qui a ouvert, dans son article 119, la faculté au bailleur qui réalise des travaux d’économie d’énergie dans les parties privative d’un logement, et/ou dans les parties communes d’un immeuble, de demander au locataire une « contribution pour le partage des économies de charges » aussi bien dans le secteur privé relevant de la loi du 6 juillet 1989 que dans le secteur social. Cette contribution figure dans la quittance sur une ligne spécifique après celle concernant le loyer et charges, d’où son appellation usuelle de « 3ème ligne de quittance ».

Deux décrets d’application ont été publiés : le décret n° 2009-1438 pour le secteur social et celui, n° 2009-1439, pour le secteur privé, tous deux datés du 23 novembre 2009. Deux arrêtés du même jour sont venus les compléter.

Pour connaître le montant de cette contribution pouvant être demandée au locataire (II), il convient de déterminer la nature des travaux soumis à ce dispositif (I). Le propriétaire doit ensuite organiser une concertation préalable (III). Ce n’est qu’une fois l’ensemble des travaux réalisé et justifié (IV) qu’interviendra le moment du paiement (V) et leur opposabilité au locataire (VI).

I. La nature des travaux concernés

La contribution du locataire ne peut être demandée par le bailleur qu’en cas de réalisation de certains travaux. Selon la date d’achèvement du bâtiment concerné et la qualité du bailleur (privé ou public), celui-ci peut avoir le choix entre deux options de travaux.

Premièrement, les travaux permettant l’appel à contribution sont, selon le décret du 23 novembre 2009 pour le secteur privé, et l’article R. 442-27 du CCH pour le secteur social :

– 1° Soit des travaux correspondant à une combinaison d’au moins deux actions d’amélioration de la performance énergétique du logement ou du bâtiment concerné.  Selon l’arrêté du 23 novembre 2009, les locaux visés sont, dans le secteur privé, les bâtiments dont la date d’achèvement est antérieure au 1er janvier 1990. Dans le secteur social, il s’agit de ceux achevés avant le 1er janvier 1948.

– 2° Soit des travaux permettant une amélioration globale de l’efficacité énergétique d’un bâtiment. Ici, le cadre est plus large que dans le premier cas puisqu’il s’agit de réduire la consommation globale d’énergie touchant les cinq postes que sont le chauffage, la ventilation, la production d’eau chaude sanitaire, le refroidissement et l’éclairage des locaux. Cette deuxième catégorie de travaux doit porter sur les exigences définies aux articles R.131-25 à R.131-28 du CCH relatifs au respect des normes techniques.

On relèvera que pour les logements sociaux (dont la très grande majorité a été achevée après le 1er janvier 1948), c’est la deuxième catégorie de travaux, assise sur le respect d’un niveau de consommation d’énergie, qui va s’appliquer. Dans le secteur privé, le choix est laissé au bailleur entre les deux méthodes présentées.

II.  Le calcul de la contribution

Par principe, l’économie de charges sur laquelle est normalement basée la contribution demandée au locataire est calculée selon une méthode de calcul conventionnel de la consommation d’énergie résultant d’une étude thermique préalable prenant en compte les caractéristiques techniques et énergétiques du bâtiment, sa localisation géographique ainsi que son régime locatif.

Il est fait exception à ce principe et la contribution peut néanmoins être fixée de manière forfaitaire si l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

– Les caractéristiques constructives du bâtiment sont incompatibles avec la méthode de calcul ;
– Les bailleurs ne possèdent pas plus de trois logements donnés à bail dans l’immeuble considéré.

Afin de déterminer le montant de la contribution, il faut prendre en compte la date d’achèvement de construction du bâtiment ainsi que la nature du parc locatif concerné.

On distingue ainsi les bâtiments relevant du secteur privé  (b) de ceux relevant du secteur social (a).

a) le secteur social

Concernant les bâtiments achevés à partir du 1er janvier 1948, le bailleur pourra demander au locataire une contribution mensuelle fixe et non révisable dont le montant est calculé sur base d’une estimation de l’économie d’énergie en euros par mois calculée à partir de la méthode Th-C-E ex mentionnée dans un arrêté du 8 août 2008.

Concernant les bâtiments achevés avant 1948 ou dans lesquels le bailleur ne détient pas plus de trois logements locatifs, celui-ci peut demander au locataire une contribution mensuelle forfaitaire fixe et non révisable s’élevant à :

– 10 euros pour les logements comprenant une pièce principale ;
– 15 euros pour les logements comprenant deux ou trois pièces principales ;
– 20 euros pour les logements comprenant quatre pièces principales et plus.

b)  le secteur privé

Pour les bâtiments achevés avant le 1er janvier 1948, la contribution forfaitaire mensuelle se calcule de la même manière que dans le secteur social.

Concernant les bâtiments achevés après 1948, le bailleur peut demander à son locataire une contribution mensuelle fixe et non révisable dont le montant est calculé :

1) Soit sur la base d’une estimation de l’économie d’énergie mensuelle en euros calculée à partir de la méthode Th-C-E ex mentionnée dans l’arrêté du 8 août 2008 ;

2) Soit sur la base d’une estimation de l’économie d’énergie mensuelle en euros calculée à partir d’une des méthodes règlementaires prévues dans un arrêté du 9 novembre 2006.

Il est à noter que les montants forfaitaires pourront être actualisés tous les trois ans en fonction de l’évolution de l’indice de révision des loyers (IRL).

III. La procédure de concertation préalable

Les décrets du 23 novembre 2009 en leurs articles 1er obligent le bailleur à se concerter préalablement avec son locataire pour les bailleurs privés, ou avec les associations représentatives de locataires pour les bailleurs sociaux. Cette concertation a pour but de tenir informé le locataire de la nature des travaux envisagés ainsi que des modalités de réalisation. L’information donnée au locataire devra également aborder les économies d’énergie escomptées, ainsi que le montant des sommes déboursées et la durée de l’engagement financier. Le propriétaire doit alors remettre au locataire le formulaire d’attestation de travaux d’amélioration de la performance énergétique.

Le respect de cette étape permettra au bailleur, dès la fin des travaux, de faire apparaître une troisième ligne intitulée « contribution au partage de l’économie de charges » dans les quittances de loyer ultérieures.

La mise en œuvre de cette concertation fait débat. Pour les associations de locataires, elle risque de se limiter à une seule réunion d’information au cours de laquelle la voix des locataires ne sera pas forcément entendue. Pour d’autres, au contraire, à partir du moment où le bailleur aura essayé de solliciter l’accord de son locataire et qu’il aura conservé les preuves de cette tentative de concertation sans jamais avoir reçu d’opposition de son locataire, on pourra penser qu’il est de bonne foi et qu’il pourra alors réaliser les travaux et demander la participation financière y afférente.

IV. La justification des travaux

Après l’achèvement des travaux, le maître d’œuvre ou l’entreprise ayant réalisé les travaux ou l’organisme ayant délivré la certification du bâtiment ou un bureau de contrôle, atteste de la conformité des travaux selon les prescriptions de l’étude thermique préalable à leur réalisation pour atteindre la performance visée au 2° de l’article R. 442-27 du CCH. A défaut, une nouvelle estimation de la consommation d’énergie du bâtiment sera réalisée conformément au 2° de l’article R. 442-27 afin d’évaluer la contribution du locataire.

Par ailleurs, le bailleur doit justifier auprès de son locataire de la réalisation effective des travaux en lui transmettant le formulaire type figurant à l’annexe 3 de l’arrêté du 23 novembre 2009, qu’il aura rempli conjointement avec les prestataires des travaux.

Enfin, le bailleur tient à disposition des locataires ou, le cas échéant, des associations de locataires présentes dans le patrimoine concerné par les travaux, les factures des travaux d’amélioration de la performance énergétique réalisés pendant le mois qui suit celui d’achèvement des travaux.

C’est uniquement une fois cette formalité effectuée que la contribution pourra être réclamée. Si tel n’est pas le cas, une nouvelle estimation de la consommation d’énergie sera réalisée afin d’estimer la participation du locataire.


V. Le moment du paiement

A l’issue des travaux, une 3ème ligne intitulée « Contribution au partage de l’économie de charges » apparaîtra dans la quittance remise au locataire et l’avis d’échéance le cas échéant.

Le versement de la contribution est, selon l’article 2 du titre 1er du décret n° 2009-1439 du 23 novembre 2009, exigible à partir du mois civil qui suit la date de fin des travaux. Une mention indiquant la période durant laquelle cette contribution sera due par le locataire figurera dans la quittance, sachant qu’elle ne peut excéder quinze ans.

En cas de changement de locataire, le bailleur aura l’obligation de justifier au nouvel occupant les travaux réalisés et le maintien de cette contribution.

VI. L’opposabilité des travaux au locataire
 
Dans la grande majorité des cas, l’objectif d’amélioration de la performance énergétique porte sur la totalité d’un immeuble collectif, tant parties communes que parties privatives. Se pose alors la question cruciale des conditions d’opposabilité de ces travaux au locataire.

Le législateur est intervenu afin d’adapter les textes relatifs aux rapports entre propriétaires et locataires sur ce point, ainsi que ceux concernant la copropriété. La question pouvait en effet se poser en matière de baux d’habitation et il était impératif de permettre la réalisation de travaux dont l’intérêt touche la collectivité toute entière.

C’est ce qu’à fait la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi Grenelle 2) en modifiant l’article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989 afin d’imposer au locataire de  « laisser exécuter dans les lieux loués les travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, les travaux nécessaires au maintien en état, à l’entretien normal des locaux loués, ainsi que les travaux d’amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux ».

Concernant les immeubles non soumis au statut de la copropriété, l’article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989, ne permet pas au locataire de s’opposer aux travaux d’amélioration des parties communes et des parties privatives de l’immeuble s’agissant de travaux de transformation dans les lieux loués.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite loi ALUR a de nouveau modifié cet article qui est désormais ainsi rédigé :
« e) De permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l’entretien normal des locaux loués, de travaux d’amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l’article 6. Les deux derniers alinéas de l’article 1724 du Code civil sont applicables à ces travaux sous réserve du respect de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat. Avant le début des travaux, le locataire est informé par le bailleur de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Aucuns travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l’accord exprès du locataire. Si les travaux entrepris dans un local d’habitation occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère abusif ou vexatoire ou ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux ou si leur exécution a pour effet de rendre l’utilisation du local impossible ou dangereuse, le juge peut prescrire, sur demande du locataire, l’interdiction ou l’interruption des travaux entrepris ».

La faculté offerte par l’article 119 de la loi 2009-323 du 25 mars 2009 n’a pas été accueillie par tous les professionnels du logement de la même façon.

Il  y a lieu de constater que la disposition demeure peu appliquée en pratique. Alors que la Loi ALUR présentait l’occasion d’accroître l’importance du dispositif, il est resté inchangé.

Ainsi, pour certains, la procédure est complexe et ne présente un intérêt qu’en présence d’un locataire sur le long terme. Dans le cas où les preneurs se succèdent, la démarche semble moins évidente pour le bailleur qui préférera réaliser les travaux tout en augmentant le loyer du prochain locataire.

Force est de constater que ce régime est complexe : il n’est pas certain qu’un bailleur souhaitera se lancer dans des travaux coûteux devant être acceptés par le locataire pour ne récupérer qu’une somme de 20 euros par mois.