- Droit de l'urbanisme
le 11/04/2024
Damien SIMON
Alix LEVRERO

La régularisation d’un permis de construire s’apprécie en prenant en compte la possibilité de revoir l’économie générale du projet et non le seul projet existant

CE, 11 mars 2024, n° 463413

Le maire de Nouméa a délivré à la SCI Fly 2018 un permis de construire autorisant la rénovation d’une maison d’habitation, ainsi que la création d’une piscine, d’un vestiaire et d’un débarras. Cet équipement étant destiné à un usage privatif mais aussi à accueillir des enfants pour des cours d’apprentissage de la natation. Après avoir relevé que le projet autorisé ne satisfaisait pas aux exigences de nombre de places de stationnement minimales correspondant aux besoins de la construction, la Cour administrative d’appel de Paris a écarté la possibilité de régulariser ce vice en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme ou de prononcer une annulation partielle en application de l’article L. 600-5 du même Code.

Dans son avis « M » du 2 octobre 2020, le Conseil d’Etat avait énoncé qu’un : « vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE, Section, avis, 2 octobre 2020, M., n° 438318).

Il est fait application de ce principe dans la décision commentée. Le Conseil d’Etat a en effet jugé que la Cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en retenant que la possibilité de créer des places supplémentaires sur le terrain d’assiette du projet n’apparaissait pas envisageable compte tenu de la taille du terrain et de la nécessité d’y prévoir des espaces plantés. La Cour aurait dû, comme l’explique le Rapporteur Public Laurent Domingo, rechercher si la SCI Fly 2018 était susceptible « de faire évoluer son projet, et par exemple abandonner son idée de dispenser des cours de natation. Ce qui, évidemment, changerait tout en termes de stationnement ».

La Cour avait également refusé de faire droit à la demande de régularisation au motif que la commune de Nouméa n’apportait pas de précisions sur la possibilité de réaliser des places de stationnement dans l’environnement immédiat de la construction, comme l’autorisaient les dispositions du PLU applicables à la date de l’arrêt de la Cour. Ce faisant, la Cour a « quasiment procédé à l’instruction d’une demande de permis modificatif » (pour parler comme Laurent Domingo). Elle est sanctionnée par le Conseil d’Etat qui juge qu’« en exigeant qu’une telle possibilité soit établie devant elle dès ce stade de la procédure, alors qu’une telle analyse suppose de prendre en compte les évolutions susceptibles d’être apportées au projet et la recherche, le cas échéant, d’accords de tiers pour assurer un stationnement dans l’environnement du projet, elle a également commis une erreur de droit ».

Les principes retenus ici par le Conseil d’Etat ont le mérite de placer chacun des acteurs du contentieux de l’urbanisme face à ses responsabilités :

  • Le juge administratif qui se prononce sur l’application des règles de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et sursoit à statuer ;
  • Le pétitionnaire qui est libre d’adapter (ou non) son projet ;
  • Le service instructeur qui peut toujours s’opposer (ou non) à la nouvelle demande ;
  • Une nouvelle fois le juge administratif qui pourra être amené à statuer sur le permis de construire modificatif (PCM) et sur le permis de construire initial, le cas échéant régularisé.