le 21/01/2021

Accords collectifs dans la fonction publique : un chantier en voie d’achèvement

Projet d’ordonnance relative à la négociation dans la fonction publique du 18 décembre 2020

L’idée de donner une force obligatoire aux accords collectifs dans la fonction publique n’est pas nouvelle et a été défendue dans plusieurs rapports (exemple : livre blanc sur le dialogue social de 2002).

Mais, de jurisprudence constante, lorsque de tes accords sont conclus, il sont dépourvus de portée juridique (Voir par exemple CE, 8 février 1999, Assoc. synd. des cadres supérieurs et ingénieurs aux télécommunications, req. n° 186910 et 187811 et CE, 23 févier 2001, Synd. CFDT des personnels assurant un service aviation civile et activités connexes, req. n° 212274), compte-tenu notamment de ce que le principe est que les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et règlementaire vis-à-vis de l’administration.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a finalement franchi un pas en autorisant le Gouvernement à prendre sur ordonnance, dans les quinze mois de la publication de la loi, des mesures pour négocier des accords ayant une portée juridique, y compris au niveau local :

« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de quinze mois à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi afin de favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d’accords négociés dans la fonction publique […]. » (cf. article 15).

Le projet d’ordonnance a donc été examiné le 18 décembre 2020 par le Conseil commun de la fonction publique. et la version finale présentée par le gouvernement a obtenu un avis favorable majoritaire.

La version soumise au Conseil commun de la fonction publique indiquait un champ de la négociation possible sur les dix-sept thèmes suivants :

  • Les conditions et l’organisation du travail, notamment l’hygiène, la sécurité et la santé au travail ;
  • Le temps de travail, le télétravail et la qualité de vie au travail ;
  • Les impacts de la numérisation sur l’organisation du travail et sur les conditions de travail ;
  • Les modalités des déplacements domicile-travail ;
  • L’accompagnement social des mesures de réorganisation des services ;
  • La mise en œuvre des actions en faveur de la lutte contre le changement climatique et la préservation des ressources et l’environnement ;
  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
  • La promotion de l’égalité des chances et la reconnaissance de la diversité ;
  • La prévention des discriminations dans l’accès aux emplois et la gestion des carrières ;
  • L’insertion professionnelle, le maintien dans l’emploi et l’évolution professionnelle des personnes en situation de handicap ;
  • Le déroulement des carrières et la promotion professionnelle ;
  • La formation professionnelle et continue ;
  • L’apprentissage ;
  • L’intéressement collectif ;
  • L’action sociale ;
  • La protection sociale complémentaire ;
  • L’évolution des métiers et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

 

Il semble que le gouvernement a accepté, à la demande de plusieurs syndicats, de ne pas limiter à dix-sept le nombre de thèmes ouverts à la négociation collective. Il se pourrait donc que la version finale ouvre encore davantage le champ des possibles.

En l’état du texte à notre disposition il existe cependant un point essentiel à noter : l’ordonnance va indiquer que les accords ne sauraient déroger aux dispositions législatives et règlementaires.

En effet, l’article 8-7 du projet dispose que les accords conclus peuvent certes comporter des clauses par lesquelles l’autorité compétente édicte directement des mesures réglementaires, mais qui ne peuvent pas porter sur des décisions individuelles et doivent être conformes aux dispositions réglementaires édictées par une autorité administrative hiérarchiquement supérieure à celle ayant conclu l’accord. Il indique aussi que ces clauses ne sont pas soumises à la consultation préalable des organismes consultatifs compétents mais qu’ils ne peuvent déroger à une norme législative ou à un décret en Conseil d’Etat ni porter sur des décisions individuelles.

A ce stade cela signifie qu’on ne saurait octroyer des avantages plus importants que ceux posés par les textes comme étant des maximas et qu’on ne pourrait pas non plus déroger à des garanties, quand bien même les signataires de l’accord en seraient d’accord.

Bref, beaucoup de bruit pour peut-être peu d’effets si ce n’est davantage de dialogue, ce qui n’est évidemment pas négligeable.

Au vu du délai posé par la loi, la parution de l’ordonnance est imminente.