le 25/02/2020

Précision sur l’articulation des procédures en cas de conflit d’intérêt entre le maire et la commune

CE, 30 janvier 2020, n° 421952

Dans un arrêt en date du 30 janvier 2020, le Conseil d’Etat précise l’articulation entre les deux procédures de délégation de la qualité d’ester en justice d’un maire au nom de sa commune quand il se trouve en situation de conflit d’intérêts, ainsi que l’office du juge en la matière.

La question de la répartition des compétences en matière d’urbanisme en Nouvelle-Calédonie peut poser des difficultés politiques. Le congrès de Nouvelle-Calédonie prévoit les principes directeurs en droit de l’urbanisme et les provinces prévoient les autres règles générales d’urbanisme, notamment le plan d’urbanisme directeur de certaines communes, sur leur proposition.

En l’espèce, par une délibération intervenue en 2010, l’Assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie a décidé d’élaborer le plan d’urbanisme directeur de la Commune de Païta. Cependant, compte tenu des divergences d’appréciation entre la province Sud et la commune de Païta, le président de l’Assemblée de la province Sud a refusé à deux reprises, en avril et juillet 2016, de réunir le comité d’étude chargé de valider les étapes d’avancement de l’élaboration du plan d’urbanisme directeur et à la suite d’une ordonnance du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, il a refusé d’ouvrir l’enquête administrative relative au plan d’urbanisme.

Le maire de la Païta est l’un des principaux propriétaires terriens de la commune. Le maire s’est estimé de ce fait en conflit d’intérêt sur des questions d’urbanisme et a décidé de mettre en œuvre le mécanisme consistant à se déporter au profit de son premier adjoint pour l’exercice de sa compétence en matière d’urbanisme, par un arrêté de janvier 2016 et pour l’introduction et la gestion des contentieux dans ce domaine, par un arrêté de septembre 2016.

Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande du Maire de la commune de Païta tendant à l’annulation de la décision de refus du président de l’Assemblée de la province Sud d’ouvrir l’enquête administrative relative aux plans d’urbanisme en province Sud. Le jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Paris.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat considère d’une part, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 et de l’article 5 du décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 pris pour son application, qu’un maire qui s’estime en situation de conflit d’intérêts doit prendre un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses compétences et désigner, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de le suppléer.

D’autre part, il résulte des dispositions de l’article L. 122-12 du Code des communes de la Nouvelle-Calédonie, que lorsque les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune dans un litige donné ou pour la signature ou l’exécution d’un contrat, seul le conseil municipal est compétent pour désigner un autre de ses membres, soit pour représenter la commune en justice, soit pour signer le contrat ou intervenir dans son exécution.

Dès lors, il résulte de la combinaison de ces textes, que le maire estimant ne pas devoir exercer ses compétences à raison d’un conflit d’intérêts, ne saurait désigner la personne lui-même habilitée soit à représenter la commune en justice dans un litige donné soit à signer ou exécuter un contrat que si ses intérêts ne se trouvent pas en opposition avec ceux de la commune.

En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que la Cour a commis une erreur de droit en se bornant à relever, pour juger irrecevable la demande d’une commune représentée par son premier adjoint au Maire, qu’en dépit de l’arrêté par lequel le maire avait délégué à son premier adjoint ses compétences en matière d’urbanisme, seul le conseil municipal avait compétence pour désigner un autre de ses membres pour ester en justice en son nom, sans rechercher si les intérêts du maire se trouvaient, dans le présent litige, en opposition avec ceux de la commune.