le 22/05/2019

Validation des ruptures conventionnelles du contrat de travail postérieures à une déclaration d’inaptitude physique

Cass. Soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767

Dans un arrêt du 9 mai 2019 (n° 17-28.767), la Cour de cassation a levé l’interrogation qui demeurait sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un accident du travail, en répondant par l’affirmative dès lors qu’il n’y a eu ni fraude, ni vice du consentement.

En l’espèce, une salariée avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation d’une rupture conventionnelle qu’elle avait conclue peu de temps après sa déclaration d’inaptitude d’origine professionnelle.

Elle soutenait à ce titre, que son employeur en régularisant une telle rupture, avait méconnu les règles protectrices applicables à l’inaptitude (obligation de recherche de reclassement du salarié déclaré inapte, reprise du versement du salaire à défaut de reclassement ou de rupture du contrat de travail dans le délai d’un mois, possibilité d’engager la procédure de licenciement uniquement en cas de justification de l’impossibilité de reclassement, indemnité spécifique de licenciement), de sorte que l’objet de la convention de rupture conventionnelle aurait été « illicite ».

Après avoir été déboutée de cette demande par les juges du fond, la salariée a porté cette affaire à la connaissance de la Cour de cassation qui a approuvé la solution de la Cour d’appel au motif que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail.

Il ressort de cet arrêt que cette validation s’étend a fortiori aux ruptures conventionnelles conclues avec un salarié dont l’inaptitude est d’origine non professionnelle.

Par cet arrêt, la Haute juridiction qui excluait du temps de l’ancienne rupture amiable, la possibilité de conclure une telle rupture avec un salarié déclaré inapte (Cass. soc., 12 févr. 2002, n° 99-41.698), poursuit sa jurisprudence « permissive » en matière de rupture conventionnelle qu’elle a progressivement ouverte à des situations « épineuses » soit parce qu’elle s’inscrivait dans un contexte conflictuel, soit parce que le salarié était fondé à revendiquer l’application d’une protection légale particulière.

En effet, la Cour de cassation a successivement admis la validité de ruptures conventionnelles conclues :

  • après une déclaration d’aptitude avec réserves (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082);
  • pendant la suspension du contrat du salarié en raison d’un accident du travail (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297);
  • lorsque la salariée est en congé maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149);
  • ou encore dans un contexte de harcèlement moral (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).

Cependant, la Cour de cassation continue de rappeler que la rupture conventionnelle peut être annulée dès lors que le salarié rapporte la preuve d’une fraude à la loi ou d’un vice du consentement.

A ce titre, compte tenu du régime de protection légale instauré au bénéfice des salariés inaptes, il conviendra pour les employeurs, de se montrer particulièrement prudents sur les modalités de conclusion de cette rupture s’agissant notamment du degré d’information à fournir au salarié, voire du montant de l’indemnité de rupture qui lui sera versée.

De même, la fragilité de son état de santé au moment de la conclusion de la convention et partant, l’existence d’un vice du consentement, pourrait être invoquées par le salarié au soutien d’une demande d’annulation de la rupture conventionnelle. Une telle demande pourrait avoir d’autant plus de chance de prospérer en cas d’inaptitude d’origine professionnelle résultant d’une dégradation de la santé mentale du salarié en lien avec ses conditions de travail (exemples : dépression suite à une « mise au placard », burn-out lié à une surcharge de travail,…).

L’assistance des parties dans le cadre de la conclusion d’une rupture conventionnelle pourrait alors s’avérer utile à la sécurisation juridique de la rupture du contrat de travail.