le 17/03/2016

Une victoire pour les centres de santé en matière d’information au public

CA Paris, 18 février 2016, n° 13/19101

L’association pour le développement de l’accès aux soins dentaires (ADDENTIS) avait été poursuivie en première instance par le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens Dentistes (CNOCD) avec l’appui de la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires (CNSD) pour des actes de concurrence déloyale liés notamment aux affichages et modes d’information utilisés pour ses centres de santé dentaire situés à Bondy, Bobigny et Aubervilliers.

Par Jugement en date du 11 septembre 2013, le Tribunal d’instance du 5ème arrondissement de Paris avait fait droit à cette demande. ADDENTIS a alors interjeté appel de la décision.

1. L’absence de confusion entre les obligations du chirurgien dentiste et la structure qui l’emploie

Les Juges du second degré ont relevé dans un premier temps que, compte tenu de l’objet social d’ADDENTIS visant notamment à « favoriser  l’accès aux soins dentaires à toutes les catégories sociales et notamment aux personnes démunies », l’Association devait être qualifiée de centre de santé relevant de l’article L. 6323-1 du Code de la santé publique issu de la loi HPST du 21 juillet 2009.

Les Juges du premier degré avaient retenu que dans la mesure où il était stipulé dans les contrats de travail liant les chirurgiens-dentistes salariés à l’Association que les obligations de l’une des parties s’imposent de plein droit à l’autre partie, l’Association entendait se soumettre elle-même au Code de déontologie des praticiens.

Or, la Cour réfute ce raisonnement et considère que cette stipulation signifie, en réalité, que l’Association ne saurait imposer à ses salariés des obligations contraires au Code de la santé publique ou au Code de déontologie.

Il en résulte qu’il ne peut y avoir de confusion entre les chirurgiens dentistes-salariés de l’Association et l’Association elle-même.

Par conséquent, le Code de déontologie des praticiens ne s’applique pas aux centres de santé qui les emploient. La Cour d’appel relève d’ailleurs qu’une telle application serait contradictoire.

2. Les difficultés d’application des règles déontologiques des praticiens aux centres de santé

Les Juges du fond ajoutent qu’il n’existe aucun texte législatif imposant aux centres de santé de se soumettre au Code de déontologie des praticiens exerçant dans ces structures et qu’une telle obligation ferait face à des obstacles d’ordre pratique.

Ainsi, dans la mesure où il existe une réglementation et des règles déontologiques propres à chaque spécialité médicale pouvant être contradictoires, une structure unique ne pourrait respecter l’ensemble de ces obligations à son niveau.

En outre, ces règles déontologiques peuvent également entrer en contradiction avec les dispositions légales applicables aux centres de santé, contradiction illustrée par l’article D. 6323-5 du Code de la santé publique qui impose aux centres de santé d’afficher de façon apparente, à l’intérieur et à l’extérieur des locaux, « les jours et heures d’ouverture, de permanence et de consultation, les tarifs pratiqués, le dispositif d’orientation en cas de fermeture et les principales conditions de fonctionnement ». En effet, selon la Cour, cet article est incompatible avec l’article R. 4127-218 du Code de déontologie concernant la plaque professionnelle des chirurgiens-dentistes dont les conditions d’affichage et de contenu sont particulièrement restrictives.

La Cour conclut que cette obligation particulière d’affichage pour les centres de santé est justifiée par leur vocation sociale.

3. L’inapplicabilité des règles déontologiques des praticiens aux centres de santé implique une absence d’actes de concurrence déloyale en l’espèce

En suivant le raisonnement précité, les Juges du fond en déduisent qu’il n’est pas démontré que le recours à la publicité par ADDENTIS informant le public d’une offre de soins dentaire destinée essentiellement à la population bénéficiaire de la Couverture Médicale Universelle (CMU) par voie d’affichage, de presse, d’émissions télévisées ou par internet constitue un acte de concurrence déloyale, les actes de promotion de l’Association étant en adéquation avec l’objet social de cette dernière.

L’arrêt infirme alors le jugement du Tribunal d’instance dans l’ensemble de ses dispositions.

Par cette décision, la Cour d’appel de Paris confirme la distinction entre la réglementation applicable aux centres de santé en matière d’information au public et les règles déontologiques applicables aux praticiens exerçant au sein de ces structures, position qui avait déjà été retenue par la Cour d’appel de Rennes en 2011 (CA Rennes, 12 avril 2011, n° 09/04248) et encore plus récemment par le Tribunal de grande instance de Marseille (TGI Marseille, 27 mai 2014, n° 13/13774).