le 18/10/2018

Travaux dans un logement de fonction : favoritisme, abus de confiance et sanctions disciplinaires – Procédures pénales et CDBF cumulables

Cass., Crim., 12 septembre 2018, n° 17-83.793

Nommé le 1er février 2007 en qualité de directeur général d’un CHU, celui-ci a, dès avant sa prise de fonction, mandaté un cabinet d’architecte afin de travailler sur le projet de rénovation de son futur logement de fonction ; le montant total des travaux s’est élevé à la somme de 639.933 euros HT. Pour financer ces travaux, le directeur général du CHU a eu recours au marché à bons de commande passé aux fins d’entretien des locaux de l’établissement hospitalier par le CHU avec différentes entreprises, ce qui a généré, outre un fractionnement du montant global des rénovations, des surfacturations et des surcoûts liés à l’inadaptation des prestations et matériaux prévus dans le marché.

Une information judiciaire a été ouverte du chef des délits de favoritisme et détournement de fonds publics, aux termes de laquelle le directeur général du CHU a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel.

Par ailleurs poursuivi devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), le directeur de l’établissement a été déclaré – en sa qualité d’ordonnateur principal – responsable de la passation des marchés de maîtrise d’œuvre et de leurs avenants en violation des règles des marchés publics, ladite violation étant constitutive de l’infraction prévue et réprimée par l’article L. 313·4 du Code des juridictions financières.

Le 15 mai 2017, il a été condamné par la Cour d’appel de Caen à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis pour atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et abus de confiance.

Devant la Cour de cassation, le directeur général du CHU a tenté de faire valoir la règle non bis in idem, prétendant avoir déjà été jugé par la CDBF ; sur ce point, et s’agissant des poursuites engagées au titre du délit de favoritisme, la Cour a décidé que « l’interdiction d’une double condamnation en raison de mêmes faits, prévue par l’article 4 du Protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, ne trouve à s’appliquer […] que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux peines infligées par le juge répressif ».

En outre, les juges de cassation ont précisé – pour confirmer la décision de condamnation du directeur de l’établissement du chef d’abus de confiance – que « dès lors que l’usage abusif des fonds publics par le prévenu résulte du fait, par ce dernier, qui a utilisé les moyens mis à sa disposition dans le cadre de ses fonctions pour financer des travaux dont une partie, souverainement évaluée par les juges, s’est avérée de pure convenance, de se comporter comme le propriétaire des fonds employés, sans aucune mesure, à des fins sans rapport avec la nature du logement de fonction qu’il occupait et sans utilité pour la personne morale, la cour d’appel a justifié sa décision ».