le 14/04/2016

Tourisme et loi NOTRe : quelle nouvelle donne territoriale ?

A l’issue de débats parlementaires particulièrement nourris, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe ») a revu la répartition des compétences, parmi lesquelles figurent celles en matière de tourisme, entre les différents échelons de collectivités et groupements de collectivités territoriales.

A cet égard, si la loi NOTRe n’a pas remis en cause le principe selon lequel les compétences en matière de tourisme sont partagées entre les différents niveaux de collectivités territoriales (cf. son article 104), elle a en revanche prévu un transfert de plein droit aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, au 1er janvier 2017, d’une compétence obligatoire en matière de « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme » (cf. ses articles 64 et 66).

La loi NOTRe procède ainsi à une harmonisation des compétences de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (ci-après, les « EPCI ») à fiscalité propre en matière de promotion du tourisme. Rappelons, en effet, que la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite « loi MAPTAM ») avait d’ores et déjà posé le principe du transfert, de plein droit à compter de son entrée en vigueur, de cette même compétence en matière de « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme », aux communautés urbaines (cf. articles L. 5215-20 et 5215-20-1 du CGCT) et aux métropoles (cf. articles L. 3641-1 et L. 5217-2 du CGCT).

Au niveau du bloc local, la loi NOTRe a donc redéfini les compétences intercommunales en matière de tourisme (I), ce qui n’est pas sans incidence sur la création des offices de tourisme et, au-delà, sur la gestion des organismes de tourisme existants (II).

I/. Une nouvelle définition des compétences intercommunales en matière de tourisme

En matière de tourisme, la loi NOTRe s’était fixée pour objectifs « de mieux coordonner et de rendre plus efficace la politique touristique » à travers « une rationalisation de l’intervention publique dans ce domaine » (cf. étude d’impact sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, NOR : RDFX1412429L, 17 juin 2014).

En ce sens, la loi NOTRe a consacré l’échelon intercommunal – jusqu’ici uniquement chargé, au titre de sa compétence en matière de développement économique, de la « création, aménagement, entretien et gestion de zones d’activité […] touristique » (cf. articles L. 5214-16 pour les communautés de communes et L. 5216-5 du CGCT pour les communautés d’agglomération) – en lui confiant, à compter du 1er janvier 2017, une compétence obligatoire en matière de « promotion du tourisme », laquelle inclut « la création d’offices de tourisme ».

Les contours d’une telle compétence, dont l’intitulé soulève quelques interrogations eu égard aux termes employés par le législateur, demeurent incertains dans la mesure où ni la loi ni la jurisprudence ne les définissent.

Faut-il ainsi considérer que la notion de « promotion du tourisme » qui, tout en étant très proche de celle de « promotion touristique » s’en distingue néanmoins, recouvre tout ou partie des missions assumées par un office de tourisme parmi lesquelles figure la « promotion touristique » ?

Sur cette question, la plupart des auteurs et acteurs dans le secteur de l’intercommunalité et du tourisme s’accordent pour considérer que la compétence intercommunale en matière de « promotion du tourisme » recouvrirait, a minima, toutes les compétences obligatoires des offices de tourisme, au sens de l’article L. 133-3 du Code de tourisme, à savoir « l’accueil et l’information des touristes ainsi que la promotion touristique de la commune ou du groupement de communes, en coordination avec le comité départemental et le comité régional du tourisme » ainsi que la coordination entre les « interventions des divers partenaires du développement touristique local ». Les missions exercées, de manière facultative, par un office de tourisme, à savoir « l’élaboration et […] la mise en œuvre de la politique locale du tourisme et des programmes locaux de développement touristique, notamment dans les domaines de l’élaboration des services touristiques, de l’exploitation d’installations touristiques et de loisirs, des études, de l’animation des loisirs, de l’organisation de fêtes et de manifestations culturelles », la commercialisation de « prestations de services touristiques » ainsi qu’une mission de consultation « sur des projets d’équipements collectifs touristiques » pourraient ainsi être conservées par les communes.

Néanmoins, face à une telle imprécision de la loi, une question écrite, destinée à préciser la notion de « promotion du tourisme », a été posée par un sénateur au ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, le 17 septembre 2015 (question écrite n° 17774, JO Sénat 17 septembre 2015). Elle n’a pas reçu de réponse à ce jour.

Et une circulaire du Premier Ministre a également été annoncée depuis plusieurs mois afin de préciser les incertitudes de la loi NOTRe (ainsi que de la loi MAPTAM) en matière de tourisme ; encore un nouveau texte législatif devrait-il être adopté pour compléter le dispositif existant.

Ce transfert de compétence obligatoire qui s’accompagne, en application des règles de droit commun, non seulement d’un transfert de charges et de fiscalité (taxe de séjour), de biens meubles et immeubles, d’actes et de personnels mais également d’une poursuite des contrats conclus antérieurement en matière de promotion du tourisme, n’est par ailleurs pas sans incidence quant à la création des offices de tourisme et la gestion des organismes de tourisme existants.

II/. Des implications significatives pour les offices de tourisme

Si la formulation de la compétence en matière de « promotion du tourisme » n’est pas explicite, il ressort expressément du processus législatif que celle-ci inclut, outre la création d’offices de tourisme, la gestion de ces organismes, y compris les offices communaux existants.

En ce sens, la loi NOTRe (cf. son article 68) a organisé les modalités de maintien et de transformation, au 1er janvier 2017, des offices de tourisme existants, modalités qui différent d’ailleurs sensiblement de celles qui avaient été prévues par la loi MAPTAM et par l’ordonnance n° 2015-333 du 26 mars 2015 portant diverses mesures de simplification et d’adaptation dans le secteur touristique concernant les offices de tourisme existants situés sur le territoire des communautés urbaines et des métropoles (cf. article L. 134-1-1 du Code de tourisme).

Ainsi, lors du transfert de la compétence « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, les offices de tourisme des communes touristiques et des stations classées de tourisme seront automatiquement transformés en bureaux d’information de l’office de tourisme communautaire – étant précisé que de tels bureaux sont de simples émanations de l’office de tourisme ne disposant pas de la personnalité morale –, sauf lorsque l’office de tourisme intercommunal aura son siège sur le territoire de la commune touristique ou de la station classée de tourisme considérée.

Par ailleurs, les offices de tourisme des stations classées de tourisme pourront être maintenus, sur décision de l’organe délibérant de la communauté d’agglomération ou de la communauté de communes concernée (cf. article L. 134-2 du Code de tourisme). En effet, au plus tard trois mois avant l’entrée en vigueur du transfert de la compétence « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme » (c’est-à-dire au plus tard le 30 septembre 2016), les organes délibérants des EPCI concernés pourront décider du maintien des offices de tourisme des stations classées de tourisme situées sur leur territoire.

Enfin, la loi NOTRe (cf. son article 68 précité) a prévu la possibilité de créer plusieurs offices de tourisme lorsque coexistent sur le territoire d’un même EPCI à fiscalité propre plusieurs marques territoriales protégées distinctes par leur situation, leur appellation ou leur mode de gestion. La notion même de « marque territoriale protégée » qui, pour plusieurs auteurs, doit être interprétée à l’aune de la notion de « marque » telle que régie par le droit de la propriété intellectuelle, n’a pas été définie par la loi et devra être précisée. Là encore, une réponse du ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique est attendue sur ce point (question écrite n° 17775, JO Sénat 17 septembre 2015). Et la circulaire annoncée par le Premier Ministre aurait également vocation à pallier cette imprécision.

Dans tous les cas, il convient de relever que les offices de tourisme des stations classées de tourisme ou des territoires disposant d’une marque territoriale protégée qui seront maintenus deviendront des offices de tourisme intercommunaux « à compétence territoriale limitée ». Cela impliquera, d’une part, de définir des modalités de mutualisation des moyens et des ressources des offices de tourisme intercommunaux existant sur le territoire d’une même communauté d’agglomération ou d’une même communauté de communes (cf. article L. 134-2 du Code de tourisme) et, d’autre part, de modifier la gouvernance des offices de tourisme existants, ce qui n’est pas sans soulever certaines questions concernant la transformation d’offices existants lorsque ces derniers sont, par exemple, constitués sous la forme de société publique locale.

Notons toutefois que ce principe de transformation des offices de tourisme existants en structure intercommunale pourrait être remis en cause. En effet, à l’occasion de la réunion de la commission permanente du Conseil national de la montagne, le secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale, Monsieur André Vallini aurait, en réponse aux demandes de plusieurs associations d’élus, affirmé qu’une dérogation concernant les stations classées et celles qui bénéficient d’une marque territoriale protégée pourrait être introduite, dans un futur projet de loi, afin de permettre à ces dernières de conserver un office de tourisme communal, distinct de celui de l’intercommunalité. Une vigilance particulière devra donc être apportée sur l’évolution de ce projet de dérogation.

Solenne DAUCE et Nathalie RICCI
Avocats à la cour