le 18/10/2018

Tentative de suicide et présomption d’imputabilité au service

CAA Bordeaux, 24 septembre 2018, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, req. n° 16BX03075

Avant l’introduction par le nouvel article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires d’une présomption générale d’imputabilité au service des accidents survenus dans le temps et le lieu du service, le Conseil d’Etat avait déjà reconnu qu’accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présentait, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d’un accident de service (Conseil d’Etat, Section, 16 juillet 2014, Madame Andrée A, req n° 361820, publié au recueil).

Par un arrêt du 24 septembre 2018, la Cour Administrative d’appel a fait application de cette jurisprudence à la tentative de suicide d’une surveillante pénitentiaire intervenue à l’aide de son arme de service, sur ses lieu et temps de travail.

En l’espèce, l’agent avait fait l’objet en 2007 d’une agression physique de la part d’un autre agent pénitentiaire de la maison centrale de Saint Martin en Ré, lorsqu’elle l’avait elle-même empêché de se défenestrer, puis d’une agression verbale de ce même agent en 2008. Elle avait depuis lors développé un syndrome anxiodépressif et bénéficié de plusieurs arrêts de travail.

Le 15 mars 2013, apprenant le retour en service de cet agent, de surcroit dans l’équipe où son conjoint exerçait ses fonctions, l’intimée s’est isolée dans un mirador et s’est tiré une balle dans l’abdomen avec une arme de service.

Pour reconnaître l’imputabilité au service de cette tentative de suicide, la Cour a relevé en premier lieu que celle-ci avait eu lieu sur le temps et le lieu du service, de sorte qu’elle était présumée imputable au service sans que l’intimée ait à démontrer qu’elle trouverait sa cause certaine, directe et déterminante dans un état pathologique se rattachant lui-même directement au service.

La Cour a ensuite classiquement rappelé qu’il appartenait à l’administration pour écarter cette présomption, de démontrer que cette tentative de suicide se rattacherait à des circonstances particulières étrangères au service ou à une faute personnelle faisant obstacle à une telle reconnaissance d’imputabilité. Mais elle a relevé que les arguments avancés par le garde des sceaux pour minimiser la gravité l’agression physique subie par l’intimée en 2007, ainsi que la circonstance selon laquelle les troubles relevés chez l’agent trouveraient leur cause dans un différend personnel inconnu de l’administration ne permettaient pas en l’espèce de dégager des circonstances particulières étrangères au service ni une faute personnelle. L’annulation par le Tribunal de la décision de refus de reconnaissance de l’imputabilité au service de cette tentative de suicide a donc été confirmée.