le 21/09/2017

Réforme du Code du travail : ce que les ordonnances vont changer…

Projets d’ordonnances en application de la loi d’habilitation, 2 août 2017

Le contenu des cinq projets d’ordonnances prises en application de la loi d’habilitation du 2 août dernier a été dévoilé par le Premier ministre et la ministre du Travail le 31 août 2017.

Ces textes portent respectivement sur :

‒   le renforcement de la négociation collective (projet d’ordonnance n° 1) ;

‒    la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales (projet d’ordonnance n° 2 ) ;

‒    la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (projet d’ordonnance n° 3) ;

‒    diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective (projet d’ordonnance n° 4) ;

‒    le compte personnel de prévention de la pénibilité (projet d’ordonnance n° 5).

Nous vous proposons de revoir, ci-après, les principaux points de réforme.

Nous attirons néanmoins l’attention de nos lecteurs sur le fait qu’il s’agit d’une étude des projets d’ordonnance susceptibles d’être modifiés avant leur publication au Journal officiel. Ces ordonnances devront en tout état de cause faire l’objet d’un nouveau projet de loi, dit de « ratification », soumis à l’examen des parlementaires en octobre. L’adoption de ce texte est indispensable pour conférer aux ordonnances force de loi.

1 – Vers un renforcement de la négociation collective

Projet d’ordonnance n° 1 relatif « au renforcement de la négociation collective »

Projet d’ordonnance n° 4 « portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective ».

A travers les projets d’ordonnances n° 1 et 4, le gouvernement a souhaité un renforcement de la négociation collective. Nous vous indiquons, ci-après, les principales mesures qui ont retenues notre attention

A – L’articulation entre accords de branche, d’entreprise et d’établissement

Selon le projet d’ordonnance n° 1, trois types de matières de négociations seront désormais délimitées :

–       En premier lieu, les matières dans lesquelles la convention de branche primera impérativement sur la convention d’entreprise conclue avant ou après, sauf si celle-ci assure des garanties au moins équivalentes. Ces matières concernent :

o   les salaires minima hiérarchiques (pas les primes);

o   les classifications;

o   la mutualisation des fonds paritaires;

o   les garanties collectives complémentaires (protection sociale complémentaire);

o   certaines dispositions relatives au temps de travail (par exemple équivalences, travail de nuit, temps partiel…), aux CDD et au travail temporaire ainsi qu’au recours aux contrats à durée indéterminée « de chantier »;

o   l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes;

o   les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai;

o   le transfert conventionnel des contrats de travail quand l’article L.1224-1 du Code du travail ne s’applique pas.

–       En second lieu, les matières pour lesquelles la branche pourra prévoir de faire primer son accord sur la convention d’entreprise conclue postérieurement. Si l’accord de branche prévoit une telle primauté, l’accord d’entreprise ne pourra pas comporter de stipulations différentes, sauf si elle assure des garanties au moins équivalentes. Ces matières portent sur :

o   la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels;

o   l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés;

o   l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux pourraient être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical;

o   les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

–       Enfin, dans toutes les autres matières, les conventions d’entreprise ou d’établissement, antérieures ou postérieures, prévaudront sur les conventions de branche, étant précisé que, en l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement, la convention de branche s’appliquera. Ce serait le « domaine réservé » de l’accord d’entreprise ou d’établissement

B – Sécurisation des accords collectifs

Présomption de validité

Les conventions ou accords répondant aux conditions de validité applicables à la date de leur conclusion seront désormais présumés négociés et conclus conformément à la loi et il appartiendra à celui qui conteste leur validité de prouver le contraire.

Délai de prescription de l’action en nullité

En outre, l’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord devrait être engagée, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de 2 mois.

Pour les accords d’entreprise, l’action devra être engagée à compter soit de la procédure de notification à destination des organisations disposant d’une section syndicale, soit de la date de publicité de l’accord.

Pour les accords de branche, l’action devra être engagée à compter de leur date de publication.

Modulation des effets dans le temps des décisions d’annulation judiciaire

Enfin, en cas d’annulation judiciaire de tout ou partie d’une convention ou d’un accord, le juge pourrait décider, s’il apparaissait que l’effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, que celle-ci ne produirait ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sans préjudice des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision

C – Favoriser la négociation dans les entreprises sans délégué syndical

Les dispositions relatives à la négociation collective dans les entreprises sans délégué syndical (ci-après dénommé DS) sont entièrement réécrites.

Plus précisément, dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra proposer un projet d’accord aux salariés, portant sur tous des thèmes ouverts à la négociation collective.

Pour qu’un tel accord soit valide, il devra être ratifié à la majorité des deux tiers du personnel. En revanche, faute d’approbation l’accord sera réputé non écrit.

Ces dispositions seraient également applicables aux entreprises entre 11 et 20 salariés sans élu au comité social et économique (nouvelle institution représentative du personnel issue du projet d’ordonnance n° 2, cf. infra).

Dans les entreprises ayant entre 11 et moins de 50 salariés dépourvus de DS, des accords pourront être négociés, conclus et révisés :

  • par un ou plusieurs salariés mandatés par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans la branche ou à défaut au niveau national et interprofessionnel ;
  • ou par un ou des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Ces accords pourront porter sur tous les thèmes pouvant être négociés par accord d’entreprise ou d’établissement.

Pour être valides, les accords ou avenants conclus avec un ou des membres du comité social et économique devront être signés par celui ou ceux représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

La validité des textes conclus avec des salariés non élus mandatés serait subordonnée à leur approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés dépourvues DS, selon les mêmes modalités qu’aujourd’hui, un représentant du personnel mandaté ou, à défaut, un représentant du personnel non mandaté ou, à défaut, un ou plusieurs salariés mandatés pourront négocier un accord collectif

D – Caractère majoritaire des accords

A compter du 1er septembre 2018, tous les accords d’entreprise et d’établissement devront être majoritaires pour être valides.

En cas d’accord non majoritaire, mais signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au 1er tour des élections professionnelles, si les syndicats signataires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages ne demandent pas une consultation des salariés visant à valider l’accord dans le délai d’un mois, l’employeur pourra lui-même organiser la consultation. Il convient de souligner que cette consultation ne pourra avoir lieu qu’à la condition qu’aucune organisation syndicales représentatives ne s’y oppose

2 – Vers une fusion des instances représentatives du personnel et un renforcement de l’association des représentant du personnel aux décisions de l’employeur

Projet d’ordonnance n° 2 relatif « à la nouvelle organisation du dialogue sociale et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales »

Création du comité social et économique (CSE)

Le projet d’ordonnance n°2 opère l’un des changements les plus marquant de la réforme du Code du travail avec la création d’une instance représentative du personnel unique dénommée le « comité social économique » (CSE).

Cette nouvelle institution se substituera aux délégués du personnel dans les entreprises d’au moins 11 salariés et aux 3 instances d’information et de consultation (DP, CE et CHSCT) dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Dans les entreprises composées d’au moins deux établissements, un CSE centrale d’entreprise et des CSE d’établissement devraient également être créés.

Commission santé, sécurité et conditions de travail

Pour pallier à la disparition du CHSCT, la mise en place d’une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pourra être prévue par accord collectif ou par accord entre l’employeur et le CSE.

La mise en place de cette commission serait obligatoire dans les entreprises ou établissements distincts d’au moins 300 salariés et pourrait être imposée par l’inspecteur du travail dans les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés lorsque cette mesure se révèle nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux.

Le Conseil d’entreprise

Par accord d’entreprise majoritaire ou de branche étendu, il sera possible d’instituer un Conseil d’entreprise au lieu et place du CSE.

Cette instance unique exercerait l’ensemble des attributions du CSE et serait également compétente pour négocier, conclure et réviser les accords d’entreprise ou d’établissement, à l’exception des accords soumis à des règles spécifiques de validité tels que les accords portant sur un PSE ou les accords portant sur les élections professionnelles.

Entrée en vigueur

Les dispositions relatives au Comité social et économique, au Conseil d’entreprise devraient entrer en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Des mesures transitoires seraient cependant introduites en faveur des entreprises pourvues de représentants du personnel à la date de publication de l’ordonnance au Journal officiel (JO).

Dans ces entreprises, le comité social et économique serait mis en place au terme du mandat en cours de ces élus et au plus tard le 31 décembre 2019. Corrélativement, les mandats des membres du comité d’entreprise, du CHSCT, de la DUP et des DP cesseraient au plus tard à cette date.

Pendant la durée des mandats en cours et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2019, les dispositions du Code du travail relatives au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au CHSCT demeureraient applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de l’ordonnance au JO.

Les mandats des membres du CE, du CHSCT, de la DUP et des DP arrivant à échéance entre la date de publication de l’ordonnance au JO et le 31 décembre 2018 pourraient être prorogés pour une durée maximale d’un an par décision de l’employeur, après consultation de ces instances.

A noter :

Les dispositions relatives à la protection des salariés détenant ou ayant détenu un mandat de représentation du personnel ainsi qu’aux salariés s’étant portés candidats à de tels mandats resteraient applicables en cas de mise en place des institutions représentatives correspondantes au plus tard le 31 décembre 2017.

3 – Vers une sécurisation des ruptures du contrat de travail

Projet d’ordonnance n° 3 relatif « à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail »

A travers son troisième projet d’ordonnance, le gouvernement a souhaité mettre en œuvre des règles destinées à sécuriser les ruptures du contrat de travail afin notamment de rassurer les employeurs dans le but de les inciter à embaucher.

Les mesures suivantes méritent d’être particulièrement soulignées :

A – Encadrement de la réparation du licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse 

Respect d’un barème d’indemnisation obligatoire

Actuellement, lorsqu’un licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge prud’homal applique une sanction qui diffère selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise :

‒      si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté et travaille pour une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge peut proposer sa réintégration dans l’entreprise ou, à défaut, lui accorder une indemnité d’au moins 6 mois de salaire brut : au-delà de ce minimum légal, le juge apprécie souverainement le montant des dommages et intérêts, qu’il fixe en fonction du préjudice subi par le salarié ;

‒      si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou qu’il travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés, il a droit à des dommages et intérêts dont le juge apprécie souverainement le montant en fonction du préjudice subi.

A l’avenir, le projet d’ordonnance prévoit que la sanction encourue par l’employeur sera déterminée en fonction d’un barème obligatoire imposant un plancher et un plafond, modulé en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.

Plus précisément, le juge prud’homal sera tenu de respecter tout à la fois :

–       un montant minimum (plancher), compris entre 0,5 et 3 mois de salaire brut (à partir d’une année complète d’ancienneté). Ainsi, il convient de noter que ce plancher serait de 3 mois de salaire brut pour les salariés comptant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés, contre 6 mois actuellement.

–       un montant maximal (plafond), compris entre 1 et 20 mois de salaire brut, variant en fonction de l’ancienneté.

A noter : 

Le barème s’appliquerait également en cas de prise d’acte de la rupture du contrat ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur.

Cas d’exclusion du barème obligatoire

Ce barème impératif ne pourra pas s’appliquer lorsque le juge constatera que « le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale ».

Seraient plus précisément concernées les nullités afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel, à un licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou en matière de dénonciation de crimes et délits, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés (maternité, accidents du travail/maladie professionnelles).

Dans ce cas, l’indemnité accordée sera uniquement soumise à un plancher minimal de six mois de salaire.

La revalorisation de l’indemnité légale de licenciement 

En contrepartie du plafonnement de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le gouvernement a annoncé que l’indemnité légale de licenciement (quel qu’en soit le motif) serait revalorisée de 25 % en application d’un décret dont la publication doit intervenir prochainement.

Cette revalorisation ne serait cependant que partielle, puisqu’applicable uniquement aux 10 premières années d’ancienneté.

Le projet de décret prévoit en effet que, pour les années au-delà de 10 ans d’ancienneté, la méthode de calcul retenue est celle du dispositif existant.

Enfin, comme indiqué dans l’ordonnance rendue publique le 31 août 2017 et relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, cette indemnité sera accordée à partir de 8 mois d’ancienneté ininterrompue et non plus un an.

Entrée en vigueur :

Les nouvelles modalités de réparation des licenciements abusifs ou nuls s’appliqueraient aux ruptures notifiées après publication de l’ordonnance.

En cas de litiges, les instances introduites avant cette date se verraient appliquer les règles antérieures, y compris en appel et en cassation.

B – Assouplissement des règles de procédure et de motivation du licenciement

L’ordonnance n° 3 opère une petite transformation en matière de notification du licenciement.

Tout d’abord, selon cette ordonnance, l’employeur pourrait désormais recourir à un modèle-type de lettre de notification du licenciement en cas de licenciement pour motif personnel ou économique. Ce modèle, qui devrait se présenter sous la forme d’un modèle CERFA, devra aussi rappeler les droits et obligations de chacune des parties, précise le projet d’ordonnance.

Ensuite, il est prévu que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pourront être précisés ou complétés, après notification de celle-ci, soit par l’employeur, soit à la demande du salarié. Un décret devrait fixer les conditions d’application de cette procédure. 

Cette nouveauté a une réelle importance dans la mesure où dorénavant les limites du litige seront fixées non seulement par la lettre de licenciement mais également par les compléments apportés par l’employeur aux motifs énoncés pour démontrer l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

En outre, il ressort du projet d’ordonnance que si le salarié n’a pas formé auprès de l’employeur une demande de précision, et qu’il conteste par la suite la légitimité de son licenciement, ce dernier ne pourrait pas être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’une insuffisance de motivation. L’intéressé ne pourrait prétendre, à ce titre, qu’à une indemnité pour irrégularité de procédure égale à un mois de salaire maximum.

A contrario, il est légitime de penser que si le salarié a formulé une demande de précision qui n’a pas abouti (soit l’employeur n’y fait pas droit, soit les précisions demeurent insuffisantes), le juge pourra décider que cette absence ou insuffisance de motivation entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Or, en l’absence de cause réelle et sérieuse, les juges seraient tenus de respecter le barème des indemnités de licenciement sans cause réelle.

Entrée en vigueur :

Selon le projet d’ordonnance, les mesures prévues ci-dessus devraient s’appliquer aux licenciements notifiés après la publication de l’ordonnance. En cas de litige, les instances introduites avant cette date se verraient appliquer les règles antérieures, y compris en appel et en cassation.

C – Unification des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

Jusqu’à présent, les salariés licenciés avaient un an en cas de licenciement économique pour saisir les juridictions prud’homales et deux ans pour les autres licenciements.

Désormais, le délai imparti au salarié pour contester la rupture de son contrat de travail serait unifié et ramené à 12 mois (sauf contentieux spécifiques – notamment en cas de licenciement avec plan de sauvegarde de l’emploi – ou délais plus courts).

Entrée en vigueur :

Ces dispositions s’appliqueraient aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de l’ordonnance.

D – Simplification des règles spécifiques aux licenciements économiques

Avec un périmètre d’appréciation de la cause économique plus restreint…

Jusqu’à présent, pour les entreprises appartenant à un groupe international, la réalité de la cause économique à l’origine du licenciement était appréciée au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou aux entreprises situées sur le territoire national.

Désormais, le périmètre d’appréciation de la cause économique de licenciement serait restreint au territoire national lorsque l’entreprise appartient à un groupe international, sauf cas de fraude.

Ainsi, selon le gouvernement, une entreprise appartenant à un groupe international qui souhaite investir en France pourrait le faire sereinement puisqu’elle aura, en cas de difficultés, la possibilité de licencier au sein de sa filiale française, quand bien même la situation financière du groupe ne serait pas en danger.

…et un assouplissement du formalisme des offres de reclassement.

Les modalités d’application de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique seraient également simplifiées. En pratique, les employeurs devraient toujours faire connaître les offres de reclassement aux salariés concernés mais ne seraient notamment plus tenus d’adresser à chacun les offres pertinentes par écrit. Il pourrait aussi communiquer au salarié l’ensemble des emplois disponibles par tout moyen via une liste (exemple intranet). Les modalités d’application de cette obligation seront précisées par décret

4Modification des règles de recours à certaines formes particulières de travail

Projet d’ordonnance n° 3 relatif « à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail »

A- Simplification du recours au télétravail

Le projet d’ordonnance n° 3 consacre un article entier au télétravail. Le but du gouvernement est de simplifier le recours à cette organisation du travail en instaurant notamment une sorte de « droit au télétravail » afin de mieux répondre à l’évolution de notre société.

Désormais, le télétravail pourra être mis en place dans l’entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (cf. supra), s’il existe.

L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur devra préciser :

  • les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, 
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail,
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail,
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

D’autre part, le télétravail occasionnel sera possible par simple accord entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier (exemple par un échange de mail).

Une nouveauté du projet d’ordonnance mérite d’être soulignée : l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à son salarié doit motiver sa réponse.

En revanche, côté salarié, le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Autre sujet important, le projet d’ordonnance précise le statut du télétravailleur qui aurait les mêmes droits (notamment, droits collectifs, accès à la formation) que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.

Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :

  • d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions
  • de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature
  • d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail. 

Enfin, le projet d’ordonnance clarifie la prise en charge des accidents subis sur le lieu où s’exerce le télétravail. L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les plages horaires du télétravail est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité social ». La prise en charge des accidents du travail se fera dans les mêmes conditions que s’ils étaient dans les locaux de leur employeur.

B- CDD ou intérim

Une convention ou un accord de branche pourrait fixer la durée totale du CDD ou du contrat de mission, le nombre maximal de renouvellements possibles, le délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste et les cas dans lesquels ce délai de carence n’est pas applicable. A défaut de stipulations conventionnelles sur ces points, les dispositions légales s’appliqueraient.

Le recours aux CDD est ainsi simplifié.

C – CDI de chantier ou d’opération

Le recours au CDI de chantier serait possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel au 1er janvier 2017, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir. Cet accord devrait fixer un certain nombre de critères tels que la taille des entreprises et les activités éligibles ainsi que les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement.

Cette disposition est particulièrement intéressante pour les établissements publics d’aménagement.

D – Prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Il serait précisé que les prêts de main-d’œuvre réalisés entre un groupe ou une entreprise d’au moins 5 000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d’au plus 250 salariés n’ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l’emploi du salarié mis à disposition. Ce prêt de main-d’œuvre ne pourrait pas excéder 2 ans.

Corinne METZGER – Avocat Directeur et Meriem KHELIF – Avocat