le 21/11/2019

Recours en garantie engagé par un constructeur à l’encontre d’un groupement solidaire

CE, 13 novembre 2019, Société Denu et Paradon Architectes, n° 422924

Par un arrêt en date du 13 novembre 2019, le Conseil d’État a apporté des précisions en matière de recours en garantie engagé par un constructeur à l’encontre d’un groupement solidaire.

Cette décision a été rendue dans le cadre d’une opération de construction d’un dépôt d’autobus à gaz lancée par Lille Métropole Communauté Urbaine (ci-après, « LMCU ») sur le territoire de la commune de Wattrelos. Précisément, LMCU avait confié l’exécution du lot n° 1 relatif aux missions « VRD, espaces verts, clôtures » au groupement solidaire composé des sociétés Valerian et SOCAFL. Toutefois, un différend est né entre ce groupement et LMCU lors de l’établissement du décompte général du marché. Précisément, les sociétés Valerian et SOFACL ont sollicité du tribunal administratif de Lille qu’il les décharge de l’obligation de payer la somme de 7.121,73 euros mise à leur charge par des titres de perception émis par LMCU, et qu’il condamne LMCU à leur verser la somme de 1.458.916,38 euros, augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du solde de ce marché. Dans le cadre de cette instance, LMCU, aux droits de laquelle est venue la Métropole européenne de Lille (ci-après, « MEL »), a appelé en garantie l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société Omnium Technique Européen (OTE) Ingénierie, membres du groupement solidaire de maîtrise d’œuvre.

En première instance, le Tribunal administratif de Lille a fait partiellement droit à la demande des sociétés Valerian et SOCAFL en condamnant la MEL à leur verser une somme de 298.564,02 euros TTC augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts et a condamné la société Marc Larivière, la société Denu et Paradon Architectes et la société OTE Ingénierie à garantir la MEL à hauteur d’une somme de 107.558,76 euros et a mis à leur charge 15 % des frais d’expertise.

Puis, par un arrêt du 4 juin 2018, la Cour administrative d’appel de Douai a rejeté le recours en garantie formé par la société Denu et Paradon Architectes et la société Marc Larivière contre la société OTE Ingénierie. C’est ainsi que les sociétés précitées se sont pourvues en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’Etat.

A ce titre, rappelons que, pour rejeter le recours des sociétés précitées, la Cour administrative de Douai s’était fondé sur le fait que « les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’œuvre ». Or, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai.

Pour parvenir à cette solution, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé la solution dégagée dans sa décision Société Acore (CE, 19 novembre 2018, req. n° 413536) selon laquelle « un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d’ouvrage est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur si et dans la mesure où les condamnations qu’il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur ». Il a ensuite précisé, et c’est l’intérêt de cette décision, que « dans le cas d’un groupement, il appartient au juge administratif d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci pour déterminer le montant de cette garantie en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévue dans l’acte d’engagement ».

Ainsi, au cas présent, le Conseil d’Etat a retenu que « en rejetant le recours en garantie formé par la société Denu et Paradon Architectes et la société Marc Larivière contre la société OTE Ingénierie au motif que les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’oeuvre, alors qu’il lui incombait, même dans cette hypothèse, d’apprécier l’importance des fautes respectives de chaque membre du groupement, la cour a commis une erreur de droit ».

Par ailleurs, cette décision a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que, si « l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties » et que « l’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales », il demeure toutefois que « la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».