le 15/10/2020

Précisions sur les conditions de mise en œuvre de la procédure avec négociation

CE, 7 octobre 2020, OPH Lyon Métropole Habitat, n° 440575

Par un arrêt en date du 7 octobre 2020, le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles un acheteur peut valablement recourir à la procédure concurrentielle avec négociation prévue par les articles 42 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et 25 du décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, laquelle correspond désormais à la procédure avec négociation prévue par les articles L. 2124-3, R. 2124-3 et R. 2124-4 du Code de la commande publique (CCP).

S’agissant du contexte, rappelons que l’office public de l’habitat de la métropole de Lyon (Lyon Métropole Habitat) avait engagé la passation d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de diagnostics techniques réglementaires avant démolition, relocation, vente et travaux, composé de quatre lots, selon la procédure concurrentielle avec négociation. Or, saisi dans le cadre d’un référé précontractuel engagé par un groupement d’entreprises dont l’offre avait été rejetée pour le lot n° 3 « Diagnostics avant relocation et avant-vente », le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a annulé la procédure de passation de ce lot au motif que Lyon Métropole Habitat avait irrégulièrement eu recours à la procédure concurrentielle.

Saisi d’un pourvoi de Lyon Métropole Habitat, le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur la régularité du recours à cette procédure.

Certes, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon puisque ce dernier avait annulé la procédure au prix d’une dénaturation des pièces du dossier en retenant que la procédure concurrentielle avec négociation avait été mise en œuvre par Lyon Métropole Habitat sur le fondement des dispositions du 2° du II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016 alors qu’elle avait été engagée sur le fondement des dispositions du 1° du II du même article.

De ce fait et en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat a réglé l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société AED amiante et environnement.

C’est à ce stade que la décision présente un intérêt puisque le Conseil d’Etat est venu précisé les conditions de mise en œuvre d’une procédure avec négociation et plus précisément la marge de manœuvre dont dispose les acheteurs.

En effet, le Conseil d’Etat a tout d’abord jugé que « la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la procédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes » et que, « en conséquence, l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ont fait de cette procédure l’une des procédures formalisées auxquelles peuvent avoir recours les acheteurs publics ».

Toutefois, le Conseil d’Etat a précisé dans ce même considérant que « les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés au II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, aujourd’hui codifié à l’article R. 2124-3 du code de la commande publique ».

De plus, cette décision apporte un éclaircissement utile sur la mise en œuvre de la procédure avec négociation également au stade de l’application de la règle précitée au cas d’espèce.

Il en est ainsi car le Conseil d’Etat a annulé la procédure avec négociation en considérant que si Lyon Métropole Habitat avait fait valoir que la réalisation de diagnostics immobiliers avant relocation ou avant vente portait « sur un parc immobilier nombreux, disparate, comportant des logements tant individuels que collectifs, disséminé sur un grand nombre de communes, dont les dates de construction étaient variables, et alors qu’en outre le règlement de la consultation autorisait les variantes », il demeurait toutefois que ces prestations « portaient sur les diagnostics exigés par différentes réglementations, devant être faits conformément aux normes applicables auxquelles renvoyait le cahier des clauses techniques particulières, et qu’il s’agissait donc de prestations connues et normalisées » et qu’il ne résultait pas de l’instruction « que ces prestations ne pouvaient être réalisées qu’au prix d’une adaptation par les candidats des solutions immédiatement disponibles ».

En résumé, il ressort de cette décision que si la réforme du droit de la commande publique a apporté de la souplesse dans la possibilité pour les acheteurs de recourir à une procédure de passation comportant une négociation, les acheteurs ne peuvent toutefois recourir à la procédure avec négociation que dans les cas limitativement énumérés désormais par l’article R. 2124-3 du CCP. Il en ressort également qu’une procédure avec négociation ne peut pas être mise en œuvre pour des prestations standardisées – autrement dit des prestations « sur étagère » ou « sur catalogue » –, sauf à ce que ces prestations ne puissent être réalisées qu’au prix d’une adaptation des solutions immédiatement disponibles ce qui n’est pas le cas de prestations répondant à des normes réglementaires.