le 11/07/2019

Possibilité d’exclure un candidat d’une procédure de passation d’un contrat pour des agissements constatés lors d’autres procédures

CE, 24 juin 2019, Département des Bouches-du-Rhône, n° 428866

Par une décision en date du 24 juin dernier, le Conseil d’Etat a précisé les conditions permettant à l’acheteur public d’exclure une candidature sur le fondement de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (désormais les articles L. 2141-7 à 2141-11 du Code de la commande publique).

Cinq motifs visés à l’article 48-I de l’ordonnance précitée permettent à un acheteur d’exclure un candidat, sans y être obligé, parmi lesquels figurent la tentative d’influence sur le processus décisionnel (2°) et l’existence d’un conflit d’intérêts (5°). Ces exclusions « à l’appréciation de l’acheteur »[1] s’exercent sous la réserve de proposer au préalable au candidat de justifier de « son professionnalisme et sa fiabilité » et de l’absence d’atteinte de sa candidature à l’égalité de traitement des candidats (art. 48-II)[2].

Dans l’affaire commentée, le Département des Bouches-du-Rhône a lancé, à trois reprises (en 2016, 2017 et 2018), une procédure pour la passation d’un marché public de travaux portant sur les archives et la bibliothèque départementales situées à Marseille.

Après la déclaration sans suite de la première procédure liée à une procédure pénale impliquant la société candidate EGBTI, cette dernière a ensuite été exclue des deux autres procédures par le Département sur le fondement du 2° (tentative d’influence) et du 5° (conflits d’intérêts) de l’article 48-I de l’ordonnance précitée.

Saisi par cette société, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision d’exclusion de sa troisième candidature, ainsi que la procédure de passation, par une ordonnance du 28 février 2019 contre laquelle le Département s’est pourvu en cassation.

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat a tout d’abord précisé que l’article 45-I-2° de l’ordonnance précitée (tentative d’influence) ne peut être mise en œuvre qu’« au vu d’éléments précis et circonstanciés […] dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique » – ces précisions n’étant pas prévues dans le texte de l’ordonnance.

Puis, le Conseil d’Etat a jugé que le Département était fondé à exclure la candidature de la société EGBTI sur le fondement du 2° de l’article 45-I de l’ordonnance précitée (tentative d’influence) mais pas sur le 5° du même article 45-I (conflits d’intérêts).

Si les agissements d’une personne présentée comme le dirigeant de fait de la société lors des procédures de passation antérieures ont été de nature à faire douter de sa probité et que sa fiabilité et son professionnalisme n’ont pas pu être rétablis, le fait que le Département se soit constitué partie civile dans la procédure pénale ouverte contre les mêmes agissements de cette personne, était insuffisant, selon le Conseil d’Etat, pour créer une situation de conflit d’intérêts.

Mais, estimant que la décision du Département aurait été la même en se fondant uniquement sur l’article 48-I-2° de l’ordonnance précitée, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du Tribunal administratif de Marseille.

Il convient toutefois de ne pas tirer une interprétation extensive de ces dispositions par le Conseil d’Etat, une candidature doit présenter « un risque suffisamment sérieux »[3] au regard des conditions de mise en concurrence, de transparence et d’égalité des candidats, pour que l’acheteur puisse envisager de l’exclure sur le fondement de l’article 48-I-2° précité.

 

[1] Pour reprendre les termes des titres du Code de la commande publique.

[2] Ces dispositions existent aussi pour les contrats de concession (voir l’article 42 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 3123-7 à L. 3123-11 du Code de la commande publique).

[3] Selon les termes du rapporteur public, M. Gilles Pellissier, dans ses conclusions sous la décision commentée.