le 11/07/2018

Pas de nomination sur un emploi public sans décision expresse

CE, 27 juin 2018, Mme B. c/ Commune de Villejuif, n° 415374

Refusant de reconnaitre que la seule occupation d’un poste par un fonctionnaire révèle nécessairement sa nomination sur ce poste, le Conseil d’Etat ajoute une précision intéressante à sa jurisprudence sur la révélation d’actes implicite en droit de la fonction publique.
Dans ce domaine, nombreux sont en effet les requérants qui tentent d’établir devant le Juge administratif l’existence d’actes administratif non formalisés, qui serait révélés par le comportement de l’administration, tant pour s’en prévaloir que pour en solliciter l’annulation.
Le Conseil d’Etat admet en effet, à titre exceptionnel, que l’existence et l’adoption d’un acte, alors même qu’il n’aurait pas été formellement pris, puisse être considéré comme existant lorsque le comportement de l’administration l’implique nécessairement (CE, 18 janvier 2013, SOS Racisme, n° 328230 ; CE, 7 août 2008, Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France, n° 310220 ; CE 27 novembre 2000, Association Comité tous frères, n° 188431, CE, 12 mars 1986, Ministre de la Culture c/ Mme Cusenier, n° 76147).
Cette jurisprudence reste toutefois d’application stricte. Le Conseil d’Etat a ainsi refusé de considérer que la publication d’un appel à candidature concernant le poste de directeur de l’institut français d’archéologie du Caire révélait l’existence d’une décision de refus de confier un second mandat au titulaire dudit poste (CE, 20 décembre 2006, M. Bernard B. c/ Institut français d’archéologie du Caire, n° 278159). De même, l’intention formulée par un courrier électronique et une publication sur le site internet d’une institution évoquant la priorité donnée à un recrutement non local pour pourvoir à un poste ne révèle pas l’existence d’une décision en ce sens (CE, 17 avril 2007, M. Jean-Louis A. c/ Institut national des sciences appliquées de Rennes, n° 304858).
La jurisprudence reste néanmoins très casuistique en la matière, et il est généralement difficile d’en déduire des solutions générales.
Par un arrêt du 27 juin 2018, le Conseil d’Etat a cependant pris une décision dont il semble possible de déduire un enseignement de principe précieux.

En l’espèce, une fonctionnaire, attachée territoriale, avait déposé sa candidature pour occuper un emploi de responsable du service municipal des affaires scolaires préalablement déclaré vacant. A compter du mois d’avril 2017, l’intéressée avait commencé à occuper ces fonctions. Toutefois, le 22 juin 2017, elle a été informée qu’aucune décision de nomination sur cet emploi n’avait été prise et était priée de regagner son poste antérieur.

Saisi par l’agent, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun avait suspendu l’exécution de cette décision de la commune, considérant que « l’exercice public, paisible et non équivoque » par la requérante de ses fonctions « pendant plusieurs semaines au cours des mois de mai et juin 2017 », laquelle s’était « manifestée notamment par la participation de l’intéressée à des réunion en cette qualité et par la modification apportée par la direction de la communication à l’annuaire interne le 4 mai 2017, révélait l’existence d’une décision implicite de la nommer à ce poste ».

Le Conseil d’Etat censure toutefois cette décision. Il juge, au visa des articles 4 et 40 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qu’ « il résulte de ces dispositions que la nomination d’un fonctionnaire territorial dans un emploi vacant au sein d’une commune ne peut résulter, sauf circonstances exceptionnelles, que d’une décision expresse prise par le maire de cette commune ». De ce principe, la Haute juridiction déduit que « la circonstance qu’un agent a occupé, pendant une certaine durée, l’emploi pour lequel il a présenté sa candidature en vue d’y être nommé ne saurait être regardée comme révélant l’existence d’une décision de nomination prise par l’autorité territoriale ».

Privilégiant l’intérêt du service, qui peut commander une adaptation des fonctions d’un agent un temps donné, le Conseil d’Etat pose ainsi le principe selon lequel la nomination dans un emploi public ne peut qu’intervenir expressément.