le 11/07/2019

Nouvelles précisions sur la régularité d’une candidature d’une collectivité à l’attribution d’un contrat de la commande publique

CE, 14 juin 2019, Société Vinci construction maritime et fluvial, n° 411444

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 14 juin dernier constitue le dénouement d’un contentieux initié en 2006 par la Société Armor SNC qui contestait, en tant que candidate évincée, la régularité de la procédure de passation qui avait abouti à l’attribution par le Département de la Vendée d’un marché public ayant pour objet la réalisation de travaux de dragage de l’estuaire du Layau au Département de la Charente-Maritime.

Dans sa décision Société Armor SNC en date du 30 décembre 2014 (req. n° 355563), le Conseil d’Etat a précisé dans quelles conditions les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération peuvent présenter leur candidature à l’attribution d’un contrat de la commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique : cette candidature doit constituer le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge, dans le but notamment « d’amortir des équipements », de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier, et sous réserve qu’elle ne compromette pas l’exercice de cette mission. Par ailleurs, une fois admise dans son principe, cette candidature ne doit pas fausser les conditions de la concurrence : en particulier, le prix que la collectivité propose doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans bénéficier d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié. Après avoir posé ce principe, le Conseil d’Etat avait renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nantes qui a, par un arrêt en date du 12 avril 2017, rejeté à nouveau le recours de la Société Armor SNC.

Saisi d’un pourvoi par la Société Vinci construction maritime et fluvial, substituée à la Société Armor SNC, la Haute Juridiction vient, dans cette décision en date du 14 juin 2019, apporter d’utiles précisions sur la notion d’amortissement des équipements publics pouvant justifier la candidature d’une collectivité à un contrat de la commande publique : cet amortissement ne doit pas s’entendre dans un sens précisément comptable, contrairement à ce qu’a jugé la Cour administrative d’appel de Nantes, mais plus largement « comme traduisant l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité, dès lors que ces derniers ne sont pas surdimensionnés par rapport à ses propres besoins ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat a relevé que la drague « Fort Boyard », acquise en mai 2002 par le département de la Charente-Maritime, avait été dimensionnée pour faire face aux besoins et spécificités des ports de ce département mais n’était utilisée qu’une partie de l’année pour répondre à ces besoins. Dès lors, son utilisation hors du territoire départemental pouvait être regardée comme s’inscrivant dans le prolongement du service public de création, d’aménagement et d’exploitation des ports maritimes de pêche dont le Département a la charge en application des dispositions de l’article L. 601-1 du Code des ports maritimes, sans compromettre l’exercice de cette mission. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré qu’une telle utilisation de la drague « Fort Boyard » permettait d’amortir l’équipement et de valoriser les moyens dont dispose, dans ce cadre, le service public de dragage de la Charente-Maritime et que, par suite, sa candidature au marché de travaux de dragage lancé par le Département de la Vendée répondait à un intérêt public local.

Enfin, le Conseil d’Etat a considéré, au regard du sous-détail des prix produit par le Département, que l’ensemble des coûts, y compris les charges d’amortissement de la drague « Fort Boyard », avaient été pris en compte pour la détermination du prix.