le 14/11/2016

Lien hypertexte et infraction de diffamation : attention à la prescription

Jurisprudence transposable aux injures publiques - Cass., Crim., , 2 novembre 2016, n°15-87.163

Un article était publié en 2010 par une personne sur son site personnel mettant en cause un Inspecteur des Finances, personne recevant la qualité de fonctionnaire public.

L’auteur publiait un nouvel article en 2011 accompagné d’un lien hypertexte renvoyant à son précédent article datant de 2010.

L’Inspecteur des Finances s’estimant diffamé engageait des poursuites du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire devant le Tribunal correctionnel de Paris, contre la publication de 2011 comportant un lien hypertexte vers la publication de 2010.

Les Juges de première instance avaient considéré que le lien hypertexte inséré dans le nouvel article public sur le site internet en cause constituait un nouvel acte de publication, de sorte que cette insertion faisait courir un nouveau délai de prescription trimestrielle ; ils avaient en conséquence condamné l’auteur.

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 22 octobre 2015 avait infirmé ce jugement de première instance en estimant que l’action était prescrite, le lien hypertexte ne constituant pas selon elle une nouvelle publication.

Dans sa décision du 2 novembre dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient casser et annuler la décision de la juridiction d’appel en apportant une précision utile à la question des liens hypertextes en matière de droit de la presse.

Au visa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, la Cour de cassation, après avoir rappelé qu’en matière de presse le point de départ de la prescription est le jour de la publication de l’écrit incriminé, précise : « que toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ; que l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement audit écrit, précédemment publié, caractérise une telle reproduction ».

L’intérêt de cet arrêt réside dans la possibilité pour des personnes victimes de propos diffamatoires ou injurieux, réitérés par le biais de liens hypertextes, d’engager des poursuites pénales sans se voir opposer la prescription de trois mois applicable au texte original.

Par cette décision, la Cour de cassation vient permettre de facto, l’allongement du délai de prescription en posant tout de même certaines conditions notamment tenant à l’identité de l’auteur et à une volonté de publication nouvelle de celui-ci.

Quelques semaines après le vif débat autour de la réforme de la loi de 1881 par le Sénat et à quelques mois d’élections politiques importantes, cette jurisprudence de la Cour de cassation devra être rappelée, notamment s’agissant de publications sur des blogs politiques qui n’échapperont pas à ce nouveau principe jurisprudentiel.