le 11/07/2019

Les limites de la protection du lanceur d’alerte en matière disciplinaire

CAA Nancy, 6 juin 2019, Monsieur B. c/ Communauté de communes de Suippes et Vesle, n° 18NC01240

L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique définit le lanceur d’alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Les agents effectuant un signalement conformément à ces dispositions bénéficient d’une protection particulière. En effet, l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires garantit aux agents qu’aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à leur égard pour avoir « relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts […] » dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

Ainsi, lors d’un contentieux disciplinaire, il appartient au juge saisi d’un moyen en ce sens d’apprécier si le fonctionnaire bénéfice de cette protection et si par conséquent la sanction disciplinaire prise sur le fondement de la dénonciation de ces faits est entachée d’irrégularité.

Telle était la question sur laquelle a dû statuer la Cour administrative d’appel de Nancy dans son arrêt du 6 juin 2019.

Dans cette affaire, un agent sollicitait le bénéfice des dispositions de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 dans le cadre d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre pour avoir, par voie de presse, fait part de ses craintes quant à la sécurité des usagers d’un équipement sportif intercommunal. Plus précisément, l’agent avait dénoncé des taux élevés de chloramine dans l’eau de baignade de la piscine (générant selon lui un risque sanitaire), ainsi qu’un sous-effectif de maitres-nageurs sauveteurs (qui aurait généré des risques pour la sécurité des usagers).

La Cour, comme le Tribunal avant elle, a cependant écarté l’application de la protection instituée par la loi du 9 décembre 2016 pour deux motifs.

D’une part, la Cour considère qu’il n’existait pas de danger imminent ou de risque de dommages irréversible justifiant que le signalement soit directement rendu public et ce sans alerter préalablement le supérieur hiérarchique comme cela est prévu en principe par le dispositif de lancement d’alerte.

D’autre part, la Cour considère que les alertes émises par l’agent ont été traitées par l’administration dans un délai raisonnable, bien qu’elle ait pris des mesures plusieurs mois après la dénonciation des dysfonctionnements.

Ainsi, la Cour considère que l’agent ne pouvait se prévaloir de la protection réservée aux lanceurs d’alerte et qu’en dénonçant des faits dont il avait eu connaissance pendant l’exercice de ses missions, il avait méconnu à son devoir de réserve justifiant ainsi l’édiction d’une exclusion temporaire de fonctions de trois mois, dont deux avec sursis.