le 18/11/2014

Le transfert des attributions de police des maires aux présidents d’EPCI

L’activité législative de ces dernières années à progressivement conduit le législateur à donner puis étendre la possibilité aux présidents d’EPCI à fiscalité propre et de groupements de collectivités de se voir transférer des pouvoirs de police spéciale attachés à l’exercice d’une compétence transférée.

Dernièrement, les lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), et n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ont marqué de nouvelles avancées en la matière.

 

 I. LES COMPETENCES POUVANT DONNER LIEU A UN TRANSFERT DES ATTRIBUTIONS DE POLICE SONT LIMITATIVEMENT ENUMEREES

 On précisera tout d’abord que le transfert des attributions de police est conditionné par l’exercice effectif par l’EPCI à fiscalité propre ou, pour la collecte des déchets ménagers, par le groupement de collectivités, des compétences auxquelles elles se rattachent.

 L’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dans sa rédaction actuellement en vigueur prévoit le transfert des attributions de police suivantes :

 En matière d’assainissement : les maires transfèrent au président de l’EPCI dont ils sont membres et compétent en la matière la possibilité d’édicter des règlements de police en matière d’assainissement (art. L. 1311-2 du Code de la santé publique – CSP). Le président bénéficiaire peut ainsi compléter le règlement national au niveau local par des prescriptions particulières liées au territoire ; accorder des dérogations aux délais prescrits pour le raccordement au réseau public de collecte des eaux usées domestiques (art. L. 1331-1 al. 2 du CSP) ; autoriser le déversement d’eaux usées autres que domestiques dans le réseau public de collecte (art. L. 1331-10 du CSP) ;

En matière de collecte des déchets ménagers et assimilés : les maires transfèrent au président de l’EPCI ou du groupement de collectivité compétent dont ils sont membres la possibilité de régler la présentation et les conditions de la remise des déchets en fonction de leurs caractéristiques (fixation des modalités de collecte sélective, séparation de certaines catégories de déchets). On précisera sur ce point que le transfert des attributions de police est attaché à la compétence collecte, le transfert de la seule compétence traitement n’emportera pas le transfert des attributions de police en la matière ;

En matière de réalisation des aires d’accueil des gens du voyage : les maires transfèrent au président de l’EPCI dont ils sont membres, lorsque ce dernier est compétent, la possibilité d’interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées, la possibilité de saisir le préfet pour qu’il mette en demeure les occupants en situation de stationnement irrégulier ; de recourir à l’évacuation forcée des résidences mobiles ;

En matière de voirie : les maires transfèrent au président de l’EPCI compétent les attributions de police en matière de circulation et du stationnement (interdiction ou limitation d’accès à certaines voies, réglementation de l’arrêt et du stationnement des véhicules, délivrance des permissions de voirie…) ainsi que la délivrance des autorisations de stationnement de taxi (fixation du nombre d’exploitants, autorisations de stationnement sur la voie publique…) ;

En matière d’habitat : les maires transfèrent au président de l’EPCI compétent les attributions de police en matière d’établissements recevant du public à usage total ou partiel d’hébergement (art. L. 123-3 du CCH), de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d’habitation (art. L. 129-1 à L. 129-6 du CCH), de bâtiments menaçant ruine (art. L. 511-1 à L. 511-4, L. 511-5 et L. 511-6 du CCH) ;

En matière de sécurité des manifestations culturelles et sportives : les maires peuvent transférer au président de l’EPCI la possibilité d’ordonner aux organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles d’assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie voire même leur imposer la mise en place d’un service d’ordre ou le renforcement du service d’ordre déjà prévu ;

En matière de défense extérieure contre l’incendie : Si le texte de l’article L. 5211-9-2 du CGCT prévoit la possibilité pour les maires d’opérer un transfert des attributions de police en la matière, il est difficile de définir précisément en quoi consiste ces attributions dans la mesure le décret d’application visé à l’article L. 2225-4 du CGCT dont l’objet serait de déterminer les conditions d’application de ces articles n’est pas encore intervenu.

Aucun autre transfert des pouvoirs de police spéciale n’est possible hors ces compétences et les attributions de police ainsi visées par les dispositions du CGCT précitées.

 

II. LA PROCEDURE du transfert DES ATTRIBUTIONS DE POLICE AU PRESIDENT DE L’EPCI

 Selon la compétence considérée, le transfert des attributions de police peut être de plein droit – on parle aussi de transfert automatique – ou volontaire (autrement dit, facultatif).

A. Les transferts automatiques

 L’article L. 5211-9-2, I, du CGCT prévoit le transfert automatique des attributions de police afférentes aux compétences assainissement, collecte des déchets ménagers, réalisation des aires d’accueil des gens du voyage, voirie, habitat.

 Le Président de l’EPCI à fiscalité propre (ou le groupement de collectivités en matière de collecte de déchets ménagers et assimilés) disposant statutairement de ces compétences se voit automatiquement transférer les pouvoirs de police y afférents dans les conditions prévues à l’article L. 5211-9-2 du CGCT précité.

 Ce transfert n’est cependant pas inéluctable dès lors qu’un ou plusieurs maires peuvent s’y opposer. Pour ce faire, ils notifient leur opposition au président de l’EPCI concerné. Dans ce cas, le transfert des attributions de police (à bien distinguer du transfert de la compétence qui lui s’étend sur l’ensemble du territoire communautaire) ne concernera que le territoire des communes où le maire ne s’est pas opposé.

 On ajoutera que dans le cas où au moins un maire se serait opposé sur le territoire, le président de l’EPCI ou du groupement de collectivité bénéficiaire peut, dans les six mois suivant la notification de la première opposition, renoncer au transfert des pouvoirs de police dans chacun des domaines précités sur l’ensemble du territoire communautaire (et éviter ainsi un transfert « à la carte » des attributions de police).

 Le président notifie alors sa renonciation à chacun des maires des communes membres. Le transfert du pouvoir de police prend fin à compter de cette notification.

 Aucun formalisme n’est imposé pour faire part de son opposition ou de la renonciation mais une réponse ministérielle précise, s’agissant de l’opposition des maires, que l’envoi d’un courrier avec accusé de réception constitue un des moyens pour le maire d’apporter la preuve de la notification de son opposition (QE n° 120410, Réponse ministérielle JOAN Q, 17 avril 2012, p. 3012).

 Si au contraire aucun maire ne fait connaître son opposition, le président ne pourra donc pas renoncer aux transferts et sera titulaire des attributions de police de plein droit.

 

B. Les transferts volontaires

 Tout maire peut par ailleurs transférer, à tout moment au président de l’EPCI dont il est membre ses attributions de police spéciale en matière de sécurité des manifestations culturelles et sportives et de défense extérieure contre l’incendie (on notera sur ce dernier point que dans les métropoles, le transfert au président des attributions lui permettant de réglementer la défense extérieure contre l’incendie est automatique – art. L. 5217-3 du CGCT).

 Le transfert est alors à l’initiative des maires et arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, après accord de tous les maires des communes membres et du président de l’EPCI sauf pour les communautés urbaines pour lesquelles l’accord requis est celui da la majorité des deux tiers au moins des maires de communes membres dont la population représente plus de la moitié de la population totale, ou de la moitié des maires de communes membres dont la population représente plus des deux tiers de la population totale.

 C’est alors la manifestation explicite de l’accord qui constitue le fait déclencheur du processus de transfert.

 

 C. Date d’effectivité des transferts des attributions de police

 La date de la prise d’effet des transferts des attributions de police diffère selon les compétences concernées, les modalités et la nature des transferts. On distingue en effet différents cas de figure :

 Les pouvoirs de police pour lesquels un transfert automatique des attributions de police est prévu : les dispositions législatives prévoient que ces transferts sont renouvelés à chaque nouveau mandat. Tel fut donc le cas lors du dernier renouvellement général des conseils municipaux. Les maires ont donc disposé de six mois à compter de l’élection du président pour s’opposer au transfert des pouvoirs de police (approximativement fin octobre) et le président de l’EPCI dispose de 6 mois à compter de la première opposition pour notifier, le cas échéant, la renonciation au transfert des attributions de police pour l’ensemble du territoire aux maires des communes membres. En attendant la notification de l’opposition ou de la renonciation, le transfert des attributions de police est effectif.

En matière de voirie, l’article 65 de la loi MAPTAM prévoit un régime spécifique : contrairement aux autres transferts de plein droit, le transfert de ces attributions prendra effet « le premier jour du douzième mois qui suit la promulgation de la présente loi ». Autrement dit le 1er janvier 2015. L’opposition du maire au transfert des attributions de police devant intervenir avant le « premier jour du sixième mois qui suit la promulgation de la loi », soit le 1er juillet 2014, le président de l’EPCI ne pourra renoncer au transfert des attributions de police en la matière qu’avant le 1er janvier 2015.

Il faut relever sur ce point que du fait de la date de promulgation de la loi MAPTAM (27 janvier 2014), et faute d’exclure expressément les dispositions de droit commun, le régime de l’article 65 de la MAPTAM et le régime de droit commun de l’article L. 5211-9-2 du CGCT se superposent (cette interprétation est celle retenue par les services de l’Etat dans différentes circulaires relatives au transfert des pouvoirs de police en matière de voirie).

Le régime du transfert des polices spéciales de l’habitat prévu à l’article 75 de la loi ALUR prévoit que ces transferts « interviennent à l’expiration des délais d’opposition et de renonciation prévus au III du même article [L. 5211-9-2] qui suivent la plus prochaine élection du président de l’établissement public de coopération intercommunale suivant la promulgation de la présente loi ». Il est donc renvoyé aux dispositions de droit commun mais ce n’est qu’à l’expiration de ces délais d’opposition et de renonciation que le transfert des attributions de police sera effectif. Ainsi, la date d’effectivité du transfert des attributions de police dépendra de l’existence ou non d’opposition et ou de renonciation au transfert des attributions de police spéciale en la matière.

S’agissant des transferts volontaires des attributions de police, le transfert nécessite l’accord de l’ensemble des maires des communes membres et du président de l’EPCI à fiscalité propre. L’effectivité du transfert des attributions de police ne peut, dans ces conditions, être effectif qu’une fois l’arrêté du préfet de département pris.

 

D. Les responsabilités liées à l’exercice des pouvoirs de police

 L’exercice des pouvoirs de police spéciale par le président de l’EPCI pourra engager la responsabilité :

de l’EPCI, lequel est civilement responsable des dommages qui résultent de l’exercice des attributions de police transférées au président, quel que soit le statut des agents qui y concourent, y compris le président (art. L. 2216-2 du CGCT).

Il faut préciser sur ce point que cette responsabilité n’a pas vocation à exclure celle de la commune qui peut, en pratique, être engagée concomitamment. Par ailleurs, la frontière entre l’engagement de la responsabilité au titre de l’exercice des pouvoirs de police et celle résultant de l’exercice des compétences est, le plus souvent, ténue.

du président : civilement au titre d’une faute personnelle ou pénalement en cas de comportement fautif (violation délibérée d’une disposition légale, mise en danger de la vie d’autrui, etc.).

S’agissant de l’exercice des pouvoirs de police, la responsabilité du président ou de l’EPCI ne pourra être engagée qu’au titre des polices qui lui ont été effectivement transférées. Les attributions de police générale ou les polices spéciales qui n’auraient pas fait l’objet d’un transfert au président de l’EPCI demeurent sous la responsabilité de l’autorité qui en est titulaire. 

 

III. LES MOYENS MIS A DISPOSITION DU PRESIDENT POUR L’EXERCICE DES POUVOIRS DE POLICE

Le transfert des attributions de police ne saurait s’analyser comme un transfert de compétences. Aussi, les dispositions de l’article L. 5211-4-1 du CGCT, qui intéressent les transferts de compétences, n’ont pas vocation à être appliquées aux transferts des attributions de police.

Par ailleurs, la possibilité de mettre des agents municipaux à disposition du président de l’EPCI en application des dispositions de l’article 61 de la loi du 26 janvier 1984 est exclue pour les agents de police municipale.

Le président ne dispose d’aucun pouvoir sur les agents de police municipale recrutés par ses communes membres. Néanmoins, les dispositions du Code de la sécurité intérieure (CSI) permettent au président de l’EPCI, à la demande des maires de ses communes membres, de recruter directement des agents de police municipale. C’est ce qu’on appelle la police intercommunale. Ces agents peuvent assurer l’exécution des décisions prises par le président sur le fondement des attributions de police qui lui ont été transférées (V. de l’article L. 5211-9-2 du CGCT).

Le recrutement de ces agents par le président de l’EPCI est subordonné à l’accord d’une majorité des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population (art. L. 512-2 du CSI).

Les agents ainsi recrutés sont ensuite mis à disposition des maires des communes membres. Pendant l’exercice de leurs fonctions sur le territoire d’une commune, ils sont placés sous l’autorité du maire de cette commune.

Ces agents exercent les compétences mentionnées à l’article L. 511-1 du CSI, sans préjudice des compétences de police judiciaire qui leur sont dévolues par le CPP et par les lois pénales spéciales. Par voie de conséquence, les agents de police intercommunale se trouveront :

– sous l’autorité fonctionnelle du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils exercent leurs missions pour mettre en œuvre les pouvoirs de police conservés par le maire ;

– sous l’autorité fonctionnelle du président de la communauté lorsqu’ils exerceront leurs missions pour mettre en œuvre les pouvoirs de police spéciale transférés au président.

En complément ou non du recrutement d’agents de police municipale, le président de l’EPCI peut décider de recruter des agents spécialement assermentés pour assurer l’exécution des décisions qu’il a prises dans le cadre des pouvoirs de police spéciale transférés (art. L. 5211-9-2, V, du CGCT).

Si le transfert des pouvoirs de police doit être distingué du transfert de compétences, une réponse ministérielle est venue préciser sur ce point que « rien ne fait obstacle à ce que le matériel intercommunal, dès lors qu’il présente un intérêt pour la mise en œuvre de compétences non transférées par les communes, puisse, par voie de convention, être mis à disposition de celles-ci » (Rép. min. no 28664, JOAN du 30 mars 2004, p. 2653). Autrement dit, des conventions de mise à disposition peuvent être conclues entre un EPCI et un ou plusieurs de ses communes membres.

Par ailleurs, un EPCI à fiscalité propre peut toujours se doter de biens qu’il partage avec ses communes membres selon les modalités prévues par un règlement de mise à disposition (art. L. 5211-4-3 du CGCT).

Dès lors il paraît tout à fait envisageable que du matériel communal soit mis à disposition de l’EPCI pour permettre aux agents de police recrutés d’assurer l’exécution de ses arrêtés de police.

Enfin, il est envisageable de considérer la possibilité pour les communes de participer au financement de la police intercommunale : « dans la mesure où un EPCI est bénéficiaire de compétences qui lui sont transférées, il lui appartient d’assumer les charges financières inhérentes à leur exercice, que ces compétences soient des compétences des communes ou qu’elles relèvent des pouvoirs propres des maires. S’agissant des prestations inhérentes à l’exercice des pouvoirs de police qui sont assurées par des agents de police municipale au bénéfice de l’EPCI, leur prise en charge par l’EPCI peut être déterminée, dans des conditions fixées par voie conventionnelle, entre le groupement et les communes intéressées » (Rép. min.. JO Sénat du 23 août 2007, n° 00099).

Cette possibilité de prise en charge par voie conventionnelle est prévue par l’article L. 512-2 du CSI qui dispose dans ce cas, qu’une convention intercommunale de coordination peut-être conclue. En accord avec les dispositions de l’article L. 512-6 du CSI, on peut dès lors imaginer que cette convention règle les modalités de la mise à disposition de ces agents au profit des communes intéressés, et notamment les modalités financières de ces mises à disposition.

 

 IV. LES DIFFICULTES SOULEVEES ET LES QUESTIONS RESTANT EN SUSPENS

Le régime ainsi mis en place par la loi MAPTAM est loin d’être parfait et un certain nombre d’interrogations demeurent.

Ainsi par exemple, en matière d’assainissement, la rédaction de l’article L. 5211-9-2 du CGCT interroge en cas de transfert partiel de la compétence (assainissement collectif ou non collectif).

Plus largement, il n’est pas fait mention de la manière dont doit être appréciée la condition préalable du transfert de la compétence, que ce soit au regard de la notion d’intérêt communautaire (qui, rappelons le, opère un partage entre les communes et l’EPCI pour une même compétence), ou lorsque la compétence ne fait pas l’objet d’une définition légale (ce qui est le cas de la compétence habitat par exemple). Comment en pareilles hypothèses, et en l’absence d’une position du Juge administratif sur ce point, apprécier l’automaticité ou non du transfert des attributions de police lorsqu’il existe un partage des compétences entre les communes et l’EPCI.

On peut par ailleurs s’interroger sur la possibilité de transférer les attributions de police au président d’un groupement de collectivité (de type syndicat mixte) pour la seule compétence collecte des déchets ménagers et assimilés et non pour l’assainissement par exemple. 

 

Laure DUFAUD, Avocat à la Cour