le 17/02/2016

Le statut des agents contractuels après le décret du 29 décembre 2015

Décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale

La règlementation relative aux agents « contractuels » anciennement « agents non titulaires » a été profondément réformée par le décret n° 2015-1912 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, lequel vient compléter et modifier le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatifs aux agents non titulaire de la fonction publique territoriale.

Ce texte, qui s’inscrit dans la lignée des dernières vagues de « CDIsation » intervenues au niveau national comme local, a vocation à rapprocher les dispositions applicables aux agents contractuels de celles de leurs collègues fonctionnaires.

La plupart des modifications s’inscrivent dans un mouvement de consécration textuelle de principes déjà dégagés par la jurisprudence administrative.

C’est ainsi que l’obligation de reclassement pour un agent inapte a été consacrée et qu’une procédure spécifique a été fixée (1). Des modifications notables sur les conditions formelles de recrutement et d’emploi d’un agent contractuel peuvent aussi être constatées (2). Enfin, le pouvoir règlementaire a amendé les conditions d’infliction d’une sanction à un agent contractuel (3), ainsi que les motifs et la procédure de licenciement (4).

1.    Le reclassement d’un agent contractuel inapte

Le Juge administratif avait déjà consacré, en s’inspirant d’un principe général du droit applicable au droit du travail, une obligation de reclassement des agents contractuels déclarés inaptes à leurs fonctions, qu’ils soient en CDI ou en CDD.

Le décret du 29 décembre 2015 vient préciser la procédure à suivre, qui devra se faire en parallèle de la procédure de licenciement pour inaptitude physique de l’agent concerné (cf. nouvel article 13 du décret du 15 février 1988).

Notamment, dans le cadre de cette procédure, la Commission consultative paritaire (CCP) devra être consultée en amont et en aval si le reclassement devait s’avérer impossible.

L’article précise également qu’à l’issue du préavis, si la collectivité n’a pu reclasser l’agent, ce dernier est placé en congé sans traitement pour une durée maximum de trois mois. Durant cette période, la date d’effet du licenciement est suspendue. Ce n’est enfin qu’à l’issue de ce congé sans traitement de trois mois, si le reclassement s’est avéré impossible, que l’agent doit être licencié.

2.    Les conditions générales de recrutement et d’emploi

S’agissant des conditions formelles du recrutement d’un agent contractuel, le nouvel article 3 du décret prévoit désormais que l’agent contractuel est recruté par contrat écrit, et ce quel que soit le fondement de son recrutement : un accroissement temporaire d’activité, un accroissement saisonnier, un remplacement temporaire de fonctionnaire, une vacance d’emploi, etc …

Il n’est donc plus possible de procéder au recrutement par voie de simple arrêté.

Ce contrat devra également préciser la durée de l’engagement, la catégorie hiérarchique du poste occupé, les conditions d’emploi et de rémunération et la collectivité devra donner la définition précise du motif du recrutement.

A ce contrat devront être annexés un éventuel règlement intérieur, le(s) certificats de travail de l’article 38 et, si le recrutement tend à pallier une vacance temporaire d’emploi en application de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, un descriptif complet du poste vacant.

C’est à l’occasion de leur renouvellement éventuel que les CDD en cours seront adaptés et dans un délai courant jusqu’au 30 juin 2016, que les CDI devront être amendés.

Les règles relatives à période d’essai sont également précisées à l’article 4 du décret et, notamment, pour la modulation de cette période en fonction de la durée du contrat de l’agent concerné.

Enfin, l’article 4 du décret différencie la procédure à suivre par la collectivité s’il est mis un terme à la période d’essai au cours ou à la fin de cette dernière. Dans le premier cas, il s’agit d’un licenciement alors que dans le second aucune formalité n’est exigée.

S’agissant des conditions d’exercice des fonctions, l’article 1-2 prévoit des critères pour fixer la rémunération des agents contractuels. Cette rémunération doit prendre en compte les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent et son expérience.  

Mais la principale innovation est que jusqu’alors cet article prévoyait un simple « réexamen » de la rémunération des agents contractuels tous les trois ans, alors que désormais l’article 1-2 indique une « réévaluation », ce qui laisse supposer une augmentation.

En application du nouvel article 1-3 du décret du 15 février 1988, les agents contractuels qui occupent un emploi permanent selon un CDI ou même selon un CDD de plus d’un an bénéficient, chaque année, d’un entretien professionnel conduit par leur supérieur hiérarchique direct et qui donne lieu à un compte-rendu.

L’article 1-3 précise les nombreux points sur lesquels doit porter l’entretien et indique que l’appréciation de la valeur professionnelle se fait en fonction de critères fixés après avis du Comité technique. Cette appréciation de la valeur professionnelle est indiquée dans le compte-rendu de l’entretien, lequel peut faire l’objet d’une demande de révision.

En pareil cas, l’agent doit saisir l’autorité territoriale dans un délai de quinze jours suivant la notification du compte-rendu. Ladite autorité dispose enfin d’un délai de quinze jours pour notifier sa réponse à l’agent. Sous réserve de l’accomplissement de cette demande préalable, l’agent peut ensuite saisir la CCP pour qu’elle propose à l’autorité territoriale une modification du compte-rendu de l’entretien.

Il reste aux collectivités et à leurs établissements publics une année pour mettre la procédure en place, dès lors que l’article 65 du décret du 29 décembre 2015 indique que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux évaluations afférentes aux activités postérieures au 1er janvier 2016.

3.    Les conditions d’infliction d’une sanction disciplinaire

Si l’article 36-1 du décret précise toujours que les sanctions disciplinaires (avertissement, blâme, exclusion temporaire de fonctions – de maximum six mois en CDD et un an en CDI – et licenciement) doivent être motivées, il instaure une obligation complémentaire qui, là encore, vient rapprocher les agents contractuels des fonctionnaires.

Ainsi, il est en effet prévu que l’exclusion temporaire de fonctions et le licenciement doivent être précédés de la consultation préalable de la CCP prévue à l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 précitée (1).

Outre le rapprochement avec le statut des fonctionnaires qui impose un avis préalable du Conseil de discipline (cf. article 89 de la loi du 26 janvier 1984), il convient de noter que, pour l’heure, le décret prévu par l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 pour permettre la mise en place d’une telle CCP n’est pas encore paru. Il est donc permis de s’interroger sur les conditions du licenciement disciplinaire des agents contractuels d’ici à son entrée en vigueur et à la mise en place de la CCP auprès de chaque collectivité, établissement public ou centre de gestion (2).

4.    Les motifs et la procédure de licenciement

Le décret reprécise d’abord les motifs de licenciement qui peuvent être retenus, outre l’hypothèse du licenciement pour motif disciplinaire.

Il s’agit :
–    du non-renouvellement d’un titre de séjour, de la déchéance des droits civiques ou de l’interdiction d’exercer un emploi public prononcée par décision de justice (le texte de l’article 39.1 indiquant une cessation de plein droit du contrat) ;
–    de l’insuffisance professionnelle (cf. article 39.2) ;
–    de l’inaptitude physique (cf. article 16) ;
–    de l’intérêt du service pour les agents recrutés en application de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 (cf. article 39-3) : la disparition du besoin ou de la suppression de l’emploi qui avait justifié le recrutement, la transformation de ce même besoin si l’agent ne peut s’y adapter, le recrutement d’un fonctionnaire, le refus d’une modification d’un élément substantiel du contrat et l’impossibilité de réemploi à l’issue de l’un des congés de l’article 33 (congé pour convenances personnelles, création d’entreprise etc.).

En termes de procédure, le décret distingue entre les différentes hypothèses.

Pour l’hypothèse de l’article 39-1, la cessation des fonctions intervient de plein droit, sans procédure particulière.

Pour l’hypothèse de l’article 39-2, l’agent doit en revanche, outre les règles générales de convocation à un entretien préalable, être préalablement mis à même de demander la communication de l’intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant pour lui permettre d’en prendre connaissance. Surtout, et c’est là une contrainte importante, le texte précise désormais que le droit à communication « concerne également toute pièce sur laquelle l’autorité territoriale entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel ».

Dans cette mesure, il est donc nécessaire à l’autorité territoriale de réunir, par avance, l’ensemble des pièces de nature à justifier du licenciement pour insuffisance professionnelle, et de les transmettre à l’agent. En effet, dans le cadre d’un contentieux, des éléments produits tardivement à l’appui de la démonstration de l’insuffisance professionnelle pourraient entraîner une contestation de la légalité externe de la décision et son annulation pour absence de communication préalable des éléments.

Pour les hypothèses de l’article 39-3, la procédure est également complexifiée. En effet, l’agent doit être convoqué à un entretien préalable dont les conditions de déroulement sont inspirées non pas cette fois de celles applicables aux fonctionnaires territoriaux mais de celles applicables aux salariés de droit privé. Ainsi, il est fait renvoi à l’article 42 (3) du décret modifié, selon lequel la convocation, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge, indique l’objet de la convocation, doit prévoir une date qui laisse un délai précis d’au moins cinq jours ouvrables entre sa réception et la date de l’entretien. Il sera donc nécessaire aux collectivités et leurs établissements de tenir compte des délais de garde postaux (ce qui allongera d’emblée la procédure) ou de privilégier la remise en mains propres contre décharge.

La CCP déjà évoquée supra sera ensuite consultée, ce qui est une nouvelle source d’allongement de la procédure, avant que n’intervienne enfin une décision prenant en compte la durée de préavis applicable et les droits à congés.

L’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er janvier 2016. Cependant, le décret prévoit de nombreuses exceptions, il sera donc nécessaire pour les collectivités d’être vigilantes sur l’application de ces nouvelles dispositions à ses agents contractuels.

Perrine BOUCHARD
Avocat à la cour

(1) La consultation de la CCP est également prévue au cas du licenciement d’un agent contractuel titulaire de certains mandats ou autorisation syndicales (cf. nouvel article 42-2 du décret du 15 février 1988)
(2) La question se pose également pour toutes les autres hypothèses de consultation de la CCP prévues au décret
(3) Cet article a vocation à s’appliquer à toutes les hypothèses, notamment à celle déjà évoquée de l’insuffisance professionnelle