le 11/07/2019

Le rôle du « prix » dans la requalification d’une cession avec charges en contrat de la commande publique

CAA Marseille, 17 juin 2019, n° 19MA00412, Société Proletazur

Par une décision en date du 17 juin dernier, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé, de manière assez logique, qu’une cession avec charges de construire 75 logements sociaux n’était pas un contrat de la commande publique, en considération de ce qu’elle n’était pas conclue à titre onéreux.

La cession avec charges désigne un contrat par la voie duquel une personne publique cède un bien, mais à charge pour l’acquéreur de réaliser un ouvrage préalablement déterminé. Ce faisant, les cessions avec charges constituent des contrats mixtes, parce qu’elles portent tout à la fois sur un objet qui peut relever de la commande publique (les travaux) et sur un objet qui n’en relève pas (la cession d’une dépendance domaniale). En conséquence, il est un risque que la cession avec charges soit soumise aux règles de la commande publique lorsque son objet principal est la charge (la réalisation des travaux) et non pas la cession, c’est-à-dire lorsque le contexte et les prescriptions témoignent de ce que la vente est un outil au service de la politique de la personne publique, et non pas une simple opération de valorisation.

Et la cession avec charges pourra, dans cette hypothèse, être requalifiée en marché public toutes les fois où l’ouvrage que devra réaliser le futur acquéreur répond « aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur qui exerce une influence déterminante sur sa nature et ou sa conception ». Mais, à suivre les textes qui fixent la définition d’un marché public de travaux, ce n’est toutefois pas suffisant : il faut que la personne publique apporte, en plus, à l’acquéreur une contrepartie onéreuse à cette charge qu’il supporte.

Devraient donc échapper à toute requalification en marché public, les cessions avec charges qui ne sont pas conclues à titre onéreux, soit parce que la personne publique ne verse pas d’argent à l’acquéreur, soit – comme il advient sinon le plus souvent – parce qu’elle ne va non plus abandonner de recettes en cédant le terrain à un prix inférieur au prix du marché.

C’est ce que juge ici précisément la Cour administrative d’appel de Marseille : « le contrat envisagé, qui se limitait à la vente du terrain, ne comportait aucun caractère onéreux pour l’établissement et ne constituait dès lors pas un marché public ».

Ce faisant, la Cour annule le jugement du Tribunal administratif de Toulon qui, de manière surprenante, mais peut être pas de manière isolée[1], avait requalifié la cession avec charges en marché public, et ce sans même vérifier le critère « onéreux ». Le Tribunal semblait ainsi considérer que la seule circonstance que les ouvrages objet de la cession avec charges « répondent aux exigences fixées par la personne publique, et [sont] exécutés dans l’intérêt économique direct de la commune » était de nature à regarder la cession comme un marché public, sans qu’il ne soit nécessaire de rechercher l’existence d’un caractère onéreux.

La décision de la Cour administrative d’appel de Marseille sanctionne ainsi le raisonnement tenu par le tribunal administratif de Toulon, et réaffirme la nécessité d’identifier un caractère onéreux pour requalifier une cession avec charges de marché public.

[1] A. Boullault, « le prix comme critère de qualification des contrats de la commande publique », Contrats publics, n° 199, Juin 2019.