le 17/12/2020

La protection du secret des affaires au cours de la procédure de passation d’un contrat public

TA Nancy, 4 novembre 2020, n° 2002619

Depuis la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, la notion de secret des affaires bénéficie d’un cadre de protection. Auparavant, les seules dispositions relatives aux secrets industriels et commerciaux étaient disparates et, au final, les voies de droit commun (en particulier l’action en  concurrence déloyale et parasitaire) étaient bien souvent le seul arsenal à la disposition du détenteur d’un secret.

Avec ce dispositif dédié au secret des affaires, issu de la transposition de la directive 2016/943 sur les secrets d’affaires, le législateur français a posé non seulement la définition du secret des affaires en droit français (bien que cette définition soit une reprise de la définition issue de l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce ou « Accord ADPIC ») et a créé les moyens de protéger le secret, notamment par la voie du référé, devant les juridictions judiciaires et administratives.

Le secret des affaires doit donc désormais être pris en compte par les acheteurs publics dans l’application des règles de commande publique. L’affaire portée devant le Tribunal administratif de Nancy en est une illustration.

Cette affaire a été l’occasion pour le juge administratif de connaître du référé en matière de secret des affaires créé par le décret n° 2019-1502 du 30 décembre 2019 (article R. 557-3 du CJA), à l’instar du référé prévu à l’article R. 152-1 du Code de commerce.

Ce référé, visant pour le requérant à faire respecter son secret des affaires, est susceptible d’intervenir à tout moment au cours de la passation d’un contrat public et autorise le juge à prendre « prescrire toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée ».

En l’espèce, un établissement public de santé avait recouru aux services d’un assistant à maître d’ouvrage (AMO) pour la passation d’un marché d’assurances. C’est le choix de cet AMO qui a conduit la société requérante à opter du référé secret des affaires. 

En effet, cet AMO avait une activité de cabinet de courtage en sus de son activité d’AMO. Dans le cadre de cette activité de courtage, plusieurs litiges étaient intervenus avec la requérante dans le cadre de recours relatifs à l’attribution de marchés publics relatifs à des prestations d’assurance.

Le Tribunal en déduit que, dans : « ces conditions, eu égard, d’une part, à l’intensité et au caractère récent des liens qui unissent [la requérante et l’AMO] et l’animosité particulière avec laquelle M. A. [l’AMO] s’exprime à l’égard de [la requérante] et, d’autre part, au fait que ces sociétés sont fréquemment en concurrence pour l’attribution de marchés publics d’assurance de centres hospitaliers, la société requérante établit que la collaboration de M. A… comme assistant à la maîtrise d’ouvrage pour l’analyse des offres des candidats constitue avec un degré de vraisemblance suffisant l’existence d’une atteinte imminente au secret des affaires. Elle est par suite fondée à demander au juge des référés des mesures visant à prévenir une telle atteinte ».

Il en ressort ainsi que cette proximité entre l’AMO et la requérante induit un risque que l’AMO divulgue des éléments d’information d’un candidat à l’autre.

La requérante avait également introduit un référé précontractuel sans succès toutefois, puisque l’AMO n’avait pas encore eu accès aux offres. La procédure de passation n’en sera donc pas affectée.

En conséquence, cette décision invite indéniablement les acheteurs publics à la plus grande prudence dans le choix des AMO.