le 08/09/2015

La loi sur la transition énergétique : les nouvelles perspectives offertes aux collectivités territoriales en matière de politique énergétique locale

Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été publiée au Journal Officiel le 18 août dernier. L’adoption de ce texte fait suite à un grand débat national lancé dès 2012 et à plusieurs mois de travaux parlementaires. Il s’agit d’une loi de programmation qui définit un certain nombre d’objectifs notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation énergétique finale. Elle vise aussi à porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale en 2030 et à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025.

Au-delà de ces objectifs, la loi prévoit un certain nombre de mesures dans des secteurs d’activité variés: la rénovation énergétique des bâtiments, le développement des transports propres, l’amélioration de la qualité de l’air, la lutte contre les gaspillages, les énergies renouvelables, les réseaux d’énergie, etc.

Ce texte se caractérise également par la décentralisation de la politique énergétique qu’elle opère de manière significative au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les nouveaux outils ainsi mis au service de la politique énergétique locale vont être présentés ci-après.

1/ Des nouvelles compétences dévolues aux collectivités

En premier lieu, le législateur a entendu renforcer et clarifier les compétences dévolues aux collectivités et à leurs groupements en matière d’énergie.

La compétence « coordination de la transition énergétique »

 

Les établissements publics de coopération intercommunale et la métropole de Lyon, lorsqu’ils ont adopté un plan climat-air-énergie territorial se voient reconnaître à l’article L. 2224-34 du Code général des collectivités territoriales une compétence en matière de coordination des actions dans le domaine de l’énergie réalisées sur leur territoire. Ils sont également habilités à réaliser des actions en vue de la maîtrise de la demande d’énergie au profit des consommateurs finals, notamment ceux en situation de précarité énergétique.

La compétence en matière d’efficacité énergétique

 

La loi donne à la région un rôle en matière de promotion des actions d’efficacité énergétique, notamment en favorisant à l’échelon des établissements publics de coopération intercommunale, l’implantation de plateformes territoriales de la rénovation énergétique (article 188 I).

La compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité et de gaz

 

Cette compétence définie à l’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales, dont le cœur consiste dans la négociation et le contrôle de la concession de distribution, n’est pas profondément bouleversée par la loi relative à la transition énergétique. Néanmoins, dans la mesure où ce texte fait évoluer la mission confiée aux gestionnaires des réseaux de distribution dans le cadre des cahiers des charges des concessions (actions d’efficacité énergétique, insertion des énergies renouvelables sur le réseau notamment), la compétence des autorités délégantes ne peut qu’en être renforcée.

La compétence « réseau de chaleur »

 

Cette compétence était jusqu’à ce jour mal définie par les textes. La loi relative à la transition énergétique consacre l’existence d’une compétence en matière de création et d’exploitation d’un réseau public de chaleur ou de froid à l’article L. 2224-38 du Code général des collectivités territoriale et la qualifie de service public à caractère industriel ou commercial. Le Législateur précise également que cette compétence est dévolue à la commune qui peut la transférer à un établissement public dont elle est membre.

La commission consultative pour la coordination des actions dans le domaine de l’énergie

 

Compte tenu de ces nouvelles compétences et de la pluralité des collectivités susceptibles d’intervenir dans le domaine de l’énergie sur un même territoire, la loi a prévu, à l’article L. 2224-37-1 du Code général des collectivités territoriales, la création d’une commission consultative constituée entre tous les syndicats exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution et l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale totalement ou partiellement inclus dans le périmètre de ce syndicat.

Le rôle de cette commission est de coordonner les différentes actions de ses membres, de mettre en cohérence leurs politiques d’investissement et de faciliter l’échange de données pour une mise en œuvre optimisée de la politique énergétique locale. Une telle coordination paraît en effet indispensable compte tenu de la multiplicité des interventions possibles au niveau local dans le domaine de l’énergie.

La transmission des données énergétiques nécessaires à l’exercice de leurs compétences

 

Pour permettre aux collectivités d’exercer les compétences qui leur sont reconnues dans le domaine de l’énergie, la loi impose aux gestionnaires des réseaux publics de leur communiquer les données de consommation et de production qu’ils recueillent dans le cadre de leur activité. Cette information est cruciale : sans elle, aucune politique énergétique locale ne peut être mise en œuvre de manière vraiment efficace (article 179-III).

2/ Le renforcement de la planification locale : le plan climat-air-énergie territorial (PCAET)

 

Cet outil de planification prévu à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement est redéfini de manière à servir de base à une politique énergétique globale à l’échelle du territoire de tout établissement public de coopération intercommunale regroupant plus de 50.000 habitants. Il fixe les objectifs et les programmes d’actions en matière d’efficacité énergétique, de coordination des réseaux d’énergie, de développement des énergies renouvelables, d’optimisation de la distribution d’énergie.

Il semble bien, à la lecture de la loi relative à la transition énergétique, que le législateur ait entendu faire du PCAET un élément essentiel de la politique énergétique au niveau local dans la mesure où un grand nombre d’actions ou de compétences dans ce domaine ne peuvent être réalisées ou exercées par les collectivités territoriales et leurs groupements que s’ils ont adopté un tel plan sur leur territoire.

3/ La mise en œuvre d’un réseau de plateformes de la rénovation énergétique

 

La loi relative à la transition énergétique consacre tout un titre à la rénovation énergétique des bâtiments qui constitue l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique. La plupart de ces dispositions définissent de nouvelles obligations qui s’imposent aux personnes privées – propriétaires, bailleurs occupants, professionnels du bâtiment … Mais les collectivités territoriales sont également concernées. Des obligations leur incombent pour leurs propres bâtiments et elles peuvent mettre en œuvre le service public de la performance énergétique sur leur territoire.

La loi relative à la transition énergétique crée un article L. 232-2 dans le Code de l’énergie pour préciser le contenu de ce service public. Elle prévoit ainsi la mise en œuvre d’un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique sur l’ensemble du territoire, prioritairement à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent prendre en charge la gestion de ces plateformes qui ont une mission d’accueil et d’information du consommateur pour l’accompagner dans l’élaboration de son projet de rénovation.

4/ La création d’agences locales de l’énergie et du climat (ALEC)

 

La loi relative à la transition énergétique crée dans le Code de l’énergie un article L. 211-5-1 qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer des agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) ayant pour objet de conduire en commun des activités d’intérêt général favorisant, au niveau local, la mise en œuvre de la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre des objectifs définis au plan national. Le statut de ces organismes n’est pas précisé par le Législateur. Ils peuvent en pratique prendre la forme d’association. Un certain nombre d’ALEC existent déjà sur le territoire. Ces dispositions leur confèrent un véritable fondement juridique.

5/ Le développement des expérimentations et de l’innovation

 

La loi relative à la transition énergétique tend à faire évoluer les réseaux d’énergie et leurs usages dans le souci d’optimiser la gestion de l’équilibre entre l’offre et la demande d’énergie.

A cette fin, elle insère de nouvelles dispositions à l’article 100-2 du Code de l’énergie pour permettre aux collectivités territoriales, en association avec l’Etat, les entreprises, les associations et les citoyens, de développer des territoires à énergie positive dans le cadre desquels des actions sont réalisées pour développer les énergies renouvelables, favoriser l’efficacité énergétique, réduire la consommation d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre.

La loi pose également les prémices d’un cadre juridique à l’expérimentation qui permettra aux collectivités territoriales et à leurs groupements de mettre en œuvre un service de flexibilité local sur des portions du réseau de distribution d’électricité en vue d’optimiser localement la gestion des flux d’électricité ou encore de déployer des réseaux intelligents (articles 199 et 200).

6/ La prise de participation dans des sociétés développant les énergies renouvelables

Le développement des énergies renouvelables est également un enjeu fort de la loi relative à la transition énergétique compte tenu des objectifs qu’elle pose en la matière. Or, le développement sur un territoire d’un projet d’énergies renouvelables dépend beaucoup de son acceptabilité de la part des collectivités concernées et des habitants. C’est pourquoi le texte prévoit des dispositions pour faciliter l’action des collectivités territoriales et des citoyens en la matière.

Ainsi, les articles L. 2253-1 et L. 3231-6 du Code général des collectivités territoriales qui posent le principe d’interdiction aux communes et à leurs groupements ainsi qu’aux départements de prendre des participations dans des sociétés commerciales sont complétés pour autoriser ces collectivités à participer au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée dont l’objet est la production d’énergies renouvelables. Les régions sont également autorisées à prendre de telles participations (voir l’article L. 4211-1 du Code général des collectivités territoriales).

De même, la loi crée dans le Code de l’énergie un article L. 314-27 qui prévoit la faculté pour les sociétés par actions et les sociétés coopératives portant un projet de production d’énergies renouvelables de proposer aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux personnes physiques, de devenir actionnaires de la société lors de la constitution ou de l’évolution de son capital. Les sociétés susmentionnées peuvent également proposer à ces mêmes personnes de participer au financement du projet de production d’énergies renouvelables.

Enfin, la loi introduit dans le Code de l’énergie un article L. 521-18 qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements compétents en matière de gestion équilibrée des usages de l’eau, de distribution d’électricité ou de production d’énergies renouvelables de demander à devenir actionnaires d’une société d’économie mixte à opération unique créée par l’Etat pour assurer l’exécution d’une concession hydroélectrique.

En définitive, l’ensemble des nouvelles compétences et outils ainsi mis à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements devrait permettre d’asseoir une véritable politique énergétique au niveau local, étant entendu que cette action doit bien sûr s’inscrire dans une politique plus globale au niveau national. Sans doute le véritable enjeu sera, pour parvenir à une décentralisation réussie et à une gestion optimisée du secteur de l’énergie, de bien coordonner les actions des différentes collectivités concernées, la loi relative à la transition énergétique ayant de manière significative multiplié les interventions possibles dans ce secteur au niveau local.


Cécile FONTAINE
Avocat à la cour