le 15/10/2020

La Cour de cassation se prononce sur le contenu de la notion de diffamation sur internet en cas d’insertion d’un lien hypertexte dans une publication

Cass. Crim., 1er septembre 2020, n° 19-84.505

Par un arrêt rendu le 1er septembre 2020, la Cour de cassation a précisé les contours de la responsabilité pénale en cas de mise en ligne d’un lien hypertexte redirigeant vers un écrit diffamatoire.

En l’espèce, le 20 février 2017, une association avait mis en ligne un communiqué informant de l’exclusion de l’un de ses membres à la suite d’une accusation de viol.

Peu après, le syndicat dont cette personne était adhérente publiait sur son site internet un texte critiquant les procédures internes de l’association, en se référant à ce communiqué.

Le 9 mars suivant, une élue locale mettait en ligne sur son compte Facebook, un lien hypertexte renvoyant à la publication d’un site internet tiers sur laquelle figurait une reproduction intégrale des communiqués de l’association et du syndicat.

Le 27 mai, la personne visée par la publication portait plainte à l’encontre de l’élue et se constituait partie civile du chef de diffamation publique à raison du seul texte émanant de l’association, mais en ce qu’il avait été reproduit ultérieurement sur divers sites, dont celui de l’élue.

Le Tribunal correctionnel, comme la Cour d’appel, avaient déclaré l’élue coupable des faits reprochés, considérant que l’insertion d’un lien hypertexte dans une nouvelle publication caractérisait le délit de diffamation sur internet.

Saisie du litige, la Cour de cassation se prononce, à l’occasion de cet arrêt, sur deux sujets distincts.

  • Sur la question de la prescription de l’action publique, la Cour, après avoir rappelé sa jurisprudence en la matière, précise qu’: « un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ».

    S’il avait déjà été jugée que l’insertion sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement à cet écrit, caractérisait une reproduction (Cass. Crim., 2 novembre 2016, n° 15-87.163), la Cour apporte ici une précision concernant le point de départ du délai de prescription, qui, rappelons-le, est de trois mois pour les infractions générales en droit de la presse.

  • Sur la caractérisation du délit de diffamation publique par la mise en ligne d’un lien hypertexte renvoyant à un écrit, lui-même diffamatoire.

A cet égard, la Cour indique que cette publication ne relève pas nécessairement du délit de diffamation publique sur internet.

Au visa des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et 593 du Code de procédure pénale, la Cour censure l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas justifié leur décision, en omettant d’examiner les éléments extrinsèques au contenu incriminé, que constituaient les modalités et le contexte dans lesquels le lien hypertexte avait été inséré, et notamment le sens du texte auquel renvoyait le lien.

Par cet arrêt, qui constitue une application de sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation rappelle la nécessité pour les juges du fond d’analyser le contexte et les modalités de la publication pour déterminer si les éléments constitutifs du délit de diffamation publique sont réunis.

L’explication de ce raisonnement tient au principe selon lequel : « relayer un message n’est pas nécessairement diffamer autrui ».