le 23/07/2020

Contrat d’achat d’électricité : la Cour administrative d’appel de Marseille condamne la société EDF

CAA Marseille, 22 juin 2020, n° 17MA00859

Les faits de cette affaire sont les suivants. La société de production d’électricité Finvest avait, pour l’exploitation d’une installation photovoltaïque, conclu le 25 janvier 2013 un contrat d’achat d’électricité avec la société EDF au tarif dit « S06 ».

Toutefois, par courrier du 8 mars 2013, EDF indiquait au producteur qu’un contrôle exercé sur ce contrat d’achat aurait révélé que seul le tarif « S10 » (moins avantageux) pouvait lui être appliqué et l’avait donc invité à signer un avenant en ce sens.

Après avoir accepté la signature de cet avenant, la société Finvest a décidé finalement de saisir le juge administratif afin d’en obtenir l’annulation, ainsi que le paiement, par EDF, de l’électricité produite au tarif « S06 ».

Les faits sont similaires à ceux du récent arrêt Corsica Sole[1] précédemment commenté dans notre Lettre d’actualité environnement énergie.

Dans cette dernière affaire, pour rappel, le Conseil d’Etat avait considéré que les parties au contrat d’achat d’électricité en cause ne pouvaient déroger contractuellement aux tarifs d’achat fixés par voie règlementaire en retenant un tarif qui serait plus favorable pour le producteur. Par suite, la Haute juridiction estimait que la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en considérant que les tarifs d’achat ont pour objet de fixer des conditions minimales auxquelles EDF est tenu d’acheter l’électricité et qu’elles n’ont pour objet, ni pour effet, d’interdire à EDF d’acheter de l’électricité à des conditions tarifaires plus favorables pour les producteurs.

Cette décision était donc favorable à EDF qui semblait pourtant avoir commis une erreur dans l’instruction de la demande de raccordement du producteur, considérant dans un premier temps qu’elle pouvait se voir appliquer le tarif « S06 ».

C’est un raisonnement plus audacieux qui a été suivi par la Cour administrative d’appel de Marseille, sous le prisme de la loyauté contractuelle.

A ce titre, la Cour constate qu’EDF et ERDF (aujourd’hui Enedis, auprès de laquelle la demande de raccordement avait été déposée, au demeurant prise en une agence territorialement incompétente) n’ont pas soulevé l’argument de l’irrecevabilité de la demande pendant son instruction, plus encore, qu’elles ont toutes deux accusé bonne réception de cette demande sans émettre la moindre réserve et que ce n’est qu’après la conclusion du contrat qu’EDF a proposé un avenant revenant sur le tarif S06.

Dans ces circonstances, la Cour déduit qu’EDF et ERDF (Enedis) « doivent être regardées comme ayant, en tout état de cause, renoncé à opposer (…) la prétendue irrégularité de (la) demande de raccordement » du producteur.

Par suite, elle annule l’avenant conclu par la société EDF et la condamne à verser au producteur la somme de 11.149,14 euros, correspondant au différentiel entre ce qu’elle a perçu au titre de l’avenant et ce à quoi elle avait droit au titre du contrat tel qu’il était initialement conclu.

Si la société EDF se pourvoit en cassation contre cet arrêt, ce qui semble probable, reste à savoir si le Conseil d’Etat, alors que ce n’est pas la logique qu’il avait choisi dans l’arrêt Corsica Sole, acceptera de suivre ce raisonnement plus protecteur des producteurs d’électricité.

[1] CE, 22 janvier 2020, stés Corsica Sole, n° 418737