le 14/06/2017

Détournement de fonds par une personne chargée d’une mission de service public

Cass., Crim., 20 avril 2017, n°16-80.091

Condamné par la Cour d’appel pour le détournement d’une somme de 1.153.719 euros issue des comptes de ses clients, le directeur d’une agence de La Banque Postale a formé un pourvoi en cassation pour contester plusieurs points de l’arrêt rendu.

Parmi les moyens soulevés, deux font l’objet de précisions intéressantes apportées par la Chambre criminelle : la première s’agissant de la prescription de l’action publique des infractions dissimulées (I), la seconde relative à la notion de personne chargée d’une mission de service public (II).

  • Cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler les règles d’application dans le temps de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale.

En l’espèce, la Cour d’appel, avait rejeté l’exception de prescription soulevée par le prévenu qui faisait valoir que la dissimulation du détournement n’était pas caractérisée. Les Juges avaient au contraire considéré que le directeur de l’agence avait usé de manœuvres pour dissimuler les détournements aux yeux de ses clients et de la banque. De ce fait, le délai de prescription ne devait commencer à courir que du jour où l’infraction était apparue et avait pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

Cette exception jurisprudentielle de report du point de départ du délai de prescription pour les infractions dissimulées a été codifiée par la loi du 27 février 2017 qui a créé un article 9-1 dans le Code de procédure pénale. Le législateur a toutefois précisé que le délai de prescription ne pouvait excéder douze années révolues pour les délits. Mais cette loi a également prévu un encadrement strict de son application dans le temps. Son article 4 précise ainsi que « la présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise ». 

La Chambre criminelle écarte ici le moyen avancé au soutien du pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. Etonnamment, alors même que le moyen n’en faisait pas état, elle rappelle la règle posée par l’article 4 de la loi du 27 février 2017 et semble en conclure que l’infraction dissimulée de détournement visée pour des faits commis à partir de 2002 n’aurait, en tout état de cause, pas pu se retrouver prescrite par application des nouvelles dispositions du Code de procédure pénale.

  • Le deuxième moyen soulevé permet à la Cour de cassation de préciser la notion de personne chargée d’une mission de service public telle que visée à l’article 432-15 du Code pénal incriminant « le fait, par une personne […] chargée d’une mission de service public […] de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ».

Le directeur d’agence de La Banque Postale contestait le fait d’avoir eu la qualité de personne chargée d’une mission de service public au cours de la période des faits reprochés. Il faisait valoir qu’il avait été salarié de l’établissement bancaire La Banque Postale, société anonyme, exerçant classiquement le métier de banquier et que les fonds concernés n’étaient pas publics. Il soutenait par ailleurs que La Banque Postale n’exerçait pas de mission de service public, l’accessibilité bancaire étant une obligation générale pesant sur toutes les banques.

La Chambre criminelle écarte ces arguments et confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui a exactement reconnu au directeur d’agence de La Banque Postale la qualité de personne chargée d’une mission de service public en retenant qu’il a été embauché en qualité de fonctionnaire au sein de l’établissement public La Poste, que son statut n’a pas été modifié lors de la création de La Banque Postale et qu’il était agent d’encadrement des personnes en poste au sein de l’agence qu’il gérait en veillant à l’accomplissement de la mission de service public d’accessibilité bancaire définie par la loi. Elle précise enfin que la Cour d’appel n’avait pas à établir que les détournements avaient été commis à l’occasion de l’exécution de la mission d’accessibilité bancaire dont le directeur était investi.