le 10/10/2019

Annulation d’une DUP en raison du parti pris sur le projet exprimé par le commissaire-enquêteur dans un article de presse

CAA Marseille, 5ème ch., 8 juillet 2019, n° 17MA01570 et n° 17MA01463

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt, le 8 juillet 2019, par lequel elle a annulé l’arrêté préfectoral prononçant la déclaration d’utilité publique portant sur le projet de prolongement d’une route départementale.

Deux motifs d’annulation ont été retenus, le premier étant classiquement le défaut d’utilité publique du projet en raison d’un bilan coût-avantage jugé défavorable.

Le second motif retiendra davantage l’attention en ce qu’il est beaucoup plus rare : il s’agit du vice de procédure résultant de ce que le commissaire-enquêteur a exprimé un parti pris, en l’occurrence favorable au projet, dans un article de presse, alors même que l’enquête publique venait de démarrer :

« Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s’est exprimé dans le journal Nice Matin le 21 septembre 2013, lendemain de l’ouverture de l’enquête publique. S’il a rappelé qu’il était neutre et indépendant, que son rôle consistait à apporter des réponses, accueillir le public et donner un avis au préfet, il a également répondu, à la question de savoir si le projet lui paraissait à l’heure actuelle viable, que  » juridiquement, je ne vois pas d’anomalies à l’utilité publique du prolongement. Je ne peux évidemment pas encore dire quel avis je vais rendre mais, à moins, de découvrir une énormité, je pense que le projet ira à terme. L’intérêt public est toujours supérieur à l’intérêt privé en France « . Compte-tenu de la nature, de la publicité et du stade de la procédure à laquelle ils sont intervenus, ces propos, qui s’analysent comme un parti pris initial favorable au projet puisque le commissaire-enquêteur suggère clairement que son avis sera favorable sauf  » énormité « , ont entaché la procédure d’un vice, qui a privé le public d’une garantie, et ce même si les conclusions que le commissaire-enquêteur a rendues sont complètes et motivées. Pour ce motif, l’arrêté préfectoral contesté doit être annulé ».

 

Cet arrêt viendra rappeler aux commissaires-enquêteurs qu’ils sont tenus strictement par un devoir de discrétion, dont la méconnaissance peut être (très) lourde de conséquences.