le 06/04/2020

Adaptation du droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l’état d’urgence sanitaire

Ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a institué, notamment en son article 11, plusieurs habilitations au Gouvernement pour lui permettre de prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour la lutte contre sa propagation. 

A ce titre, l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020, prise sur le fondement de l’article 11, 2°, i), de la loi précitée habilitant le Gouvernement à simplifier et adapter le droit applicable au fonctionnement de diverses institutions administratives ou organismes de droit privé et notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence. Elle comporte des mesures d’ordre général (I.) et institue les mesures d’adaptation du droit rendues nécessaires par l’état d’urgence sanitaire (II.). 

 

I – Les mesures d’ordre général 

Les articles 1er et 7 l’ordonnance procèdent à la définition du champ d’application temporel et territorial des mesures d’adaptation édictées, tant relatives au fonctionnement institutionnel ou à l’exercice des compétences matérielles par les institutions visées que les mesures institutionnelles prescrites. Ainsi, sauf fin anticipée ou prorogation de l’état d’urgence sanitaire décidées par décret en conseil des ministres avant le 24 mai 2020, la période de référence s’étend jusqu’au 24 juin 2020. Sont ainsi exclus du champ d’application les établissements publics, instances et organismes relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ainsi que les groupements d’intérêt public (GIP) de la Polynésie française et des GIP de Nouvelle-Calédonie. 

Sans limitation de son champ d’application sur le territoire de la République, l’article 8 de l’ordonnance complète les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, en ajoutant que des décrets instituant des exceptions au principe de suspension des délais pourront faire exception au principe posé à l’article 4 de la loi d’urgence, relatif à la suspension du cours des astreintes. 

  

II – Mesures d’adaptation du droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives 

A – Adaptation du droit applicable à l’organisation et au fonctionnement des établissements publics et instances collégiales administratives 

1 – Les règles relatives à l’adoption des délibérations, avis et décisions 

 a – Le recours aux réunions à distance 

 S’agissant des réunions à distance, l’article 2 précise d’abord que la faculté de recourir aux réunions à distance au titre de l’ordonnance ne s’applique pas aux organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements mais uniquement aux institutions spécialisées qui sont visées. Peuvent se voir appliquer les mesures prévues par l’ordonnance : 

  • les établissements publics, quel que soit leur statut ; 
  • la Banque de France ; 
  • les GIP ; 
  • les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API). Il est précisé « y compris notamment l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution », à laquelle ne s’applique pas le statut général des AAI et API institué par la loi n° 2017-54 du 20 janvier 2017 mais un régime prévu aux articles L. 612-1 à L. 612-3 du Code monétaire et financier. L’emploi du terme « notamment » laissant à penser que cette autorité ne constitue pas la seule à laquelle ce régime d’exception serait applicable.  

On indiquera encore que, s’agissant des personnes morales de droit privé, peuvent organiser les réunions à distance en application de l’ordonnance les organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif. 

L’article 2 précise ensuite les catégories d’actes pour lesquels l’organisation de réunions dématérialisées est possible :  

  • les délibérations des conseils d’administration ou organes délibérants en tenant lieu, ainsi que les organes collégiaux de direction ou collèges des institutions et organismes visés ci-dessus ; 
  • les avis et décisions des commissions administratives et de toute autre instance collégiale administrative ayant vocation à adopter des avis ou des décisions (dont les commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements mentionnées à l’article L. 441-2 du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que les commissions administratives et instances collégiales administratives « quels que soient leurs statuts », ce terme de « statuts » pouvant interroger quant à la portée à donner pour les commissions concernées).  

Ces délibérations, avis et décisions pourront être pris à distance par l’utilisation des technologies de la communication par voie téléphonique, audiovisuelle ou électronique, même lorsque les dispositions législatives ou réglementaires propres à ces organismes ou instances, y compris leurs règles internes, ne prévoiraient pas de telles possibilités de réunion à distance ou les excluraient. Le recours à ces modalités d’adoption à distance des délibérations, avis et décisions pourra être décidé à l’initiative de la personne chargée de convoquer les réunions de l’organe ou de l’instance. Les modalités de mise en œuvre de la dématérialisation des réunions sont définies à l’alinéa un de l’article 2 de l’ordonnance par renvoi aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 et à ses mesures réglementaires d’application, sauf pour l’application du deuxième alinéa du I de l’article 4 de l’ordonnance du 6 novembre 2014, relatif à l’enregistrement et à la conservation des débats ou à l’audition de tiers : les modalités d’enregistrement et de conservation des débats ou échanges ainsi que les modalités selon lesquelles des tiers peuvent être entendus pourront en effet être fixées par une délibération organisée au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle ou par tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. Cette délibération, qui sera exécutoire dès son adoption, devra néanmoins faire l’objet d’un compte rendu écrit. 

S’agissant de la tenue des audiences et les délibérés dans les procédures de sanction au sein des AAI et des API, l’article 4 de l’ordonnance énonce qu’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions d’une des autorités en cause peut également tenir une audience ou délibérer dans le cadre, soit d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle, soit de tout procédé assurant l’échange d’écrits transmis par voie électronique permettant un dialogue en ligne ou par messagerie. 

 

b – Les modalités d’adoption et de vote des délibérations, avis et décisions présentant un caractère d’urgence 

Un assouplissement des modalités d’adoption et de vote des mesures ou avis présentant un caractère d’urgence au sein des établissements publics, des GIP, de la Banque de France, des AAI et des API, ainsi que des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif est prévu (article 6) : les organes, collèges, commissions et instances concernés peuvent se réunir et délibérer valablement alors que leur composition est incomplète et nonobstant les règles de quorum qui leur sont applicables.  

 

2 – La dérogation aux règles de répartition des compétences pour l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence 

a – Les dérogations au sein des établissements publics, GIP, organismes de sécurité sociale ou de tout autre organisme chargé de la gestion d’un service public administratif 

Il est à noter que l’article 3 relatif à ces dérogations ne vise pas la Banque de France. Deux possibilités de déroger aux règles de répartition des compétences sont instituées :  

  • l’octroi, dans le cadre d’une délibération adoptée à distance, d’une délégation de l’organe délibérant à l’organe exécutif pour assurer la continuité du fonctionnement des organismes concernés ; 
  • ou, subsidiairement, de la possibilité pour le président de l’organe délibérant ou son remplaçant d’exercer pleinement les compétences de celui-ci en cas d’impossibilité avérée de se réunir y compris par voie dématérialisée. 

 

L’article 3 précise les conditions d’adoption et d’exécution de la délégation : 

  • la délégation peut être accordée nonobstant toute disposition contraire des statuts de l’institution concernée ; 
  • elle ne peut porter que sur certains pouvoirs et non sur l’ensemble de ceux détenus par l’organe délibérant, et ce exclusivement en vue de l’adoption de mesures présentant un caractère d’urgence ;  
  • la durée de la délégation est laissée à l’appréciation de l’instance délégante mais devra prendre fin au plus tard à l’expiration du délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire ; 
  • la délégation, qui est accordée par une délibération adoptée à distance, est exécutoire dès son adoption ; 
  • le titulaire de la délégation doit, par tout moyen, rendre compte des mesures prises sur son fondement au conseil d’administration, à l’organe délibérant ou à l’instance collégiale qui lui a donné délégation. 

 

Le même article 3 envisage l’hypothèse d’une impossibilité d’accorder la délégation dans les conditions précitées, en cas d’impossibilité avérée pour l’organe délibérant de tenir les réunions de manière dématérialisée. Le président de l’organe délibérant ou, en cas d’empêchement, l’un de ses membres qui est alors spécialement désigné par l’autorité de tutelle à cette fin, peut exercer les compétences de l’organe délibérant afin d’adopter les mesures présentant un caractère d’urgence. Ce pouvoir s’exerce jusqu’à ce que l’instance puisse de nouveau être réunie, et prend fin au plus tard à l’expiration du délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. Les conditions d’exécution de ce pouvoir sont toutefois durcies par rapport à celles de la délégation : par tout moyen et dans les plus brefs délais, le président ou le membre désigné pour le remplacer tient informée de sa décision de mettre en œuvre cette disposition l’autorité de tutelle ou l’autorité dont il relève, ainsi que les membres de l’instance et l’organe exécutif c’est-à-dire le directeur général ou la personne exerçant des fonctions comparables. Une obligation de rendre compte à l’organe délibérant dès que cette instance peut de nouveau être réunie est par ailleurs prescrite. 

 

b – Les délégations au sein des AAI et API 

L’article 4 de l’ordonnance organise un régime spécifique de délégation à distance des compétences au sein des AAI et des API en permettant au collège ou à l’organe délibérant de ces autorités de déléguer à leur organe exécutif certaines de leurs compétences, à l’exception de celles en matière de sanction. Les mêmes conditions de fond que les délégations accordées par les autres institutions et organismes précités sont prescrites. Les conditions d’exécution de la délégation sont en revanche assouplies : le titulaire de la délégation n’a qu’une simple obligation d’information du collège ou organe délibérant de l’autorité qui lui a donné délégation. 

 

B – Prorogation des mandats au sein des organes délibérants et des instances exécutives 

L’article 5 de l’ordonnance reporte au 1er janvier 2021 la mise en place, initialement prévue au 16 juin 2020 au plus tard, des nouveaux comités d’agence et des conditions de travail institués dans chaque agence régionale de santé et, pour tenir compte de ce report, prolonge jusqu’à cette date les mandats des membres des actuels comités d’agence et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des ARS.  

L’article 6 prévoit quant à lui une mesure générale de prorogation des mandats au sein des organes délibérants et des instances exécutives des établissements publics, des GIP, de la Banque de France, des AAI et des API, ainsi que des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, sauf si d’autres mesures de prorogation ont été instituées, ainsi que les modalités de cette prorogation : 

 

  • Dans les organes délibérants, l’alinéa premier de l’article 6 proroge les mandats des membres des organes, collèges, commissions et instances, qui arrivent à échéance à compter du 12 mars 2020, pour leur permettre de continuer à siéger jusqu’à leur remplacement et ce nonobstant toute limite d’âge ou interdiction de mandats successifs. Cette prorogation est effective jusqu’à la désignation des nouveaux membres et au plus tard jusqu’au 30 juin 2020, sauf si le remplacement implique de procéder à une élection auquel cas la date limite est reportée au 31 octobre 2020. Il est précisé qu’un décret adaptera en tant que de besoin la durée des mandats des membres des organes délibérants désignés à la suite de cette prorogation afin que les dates d’échéance de ces mandats soient compatibles avec les règles de renouvellement partiel ou total de ces instances.  
  • S’agissant ensuite des instances exécutives, l’alinéa trois proroge dans les mêmes conditions de durée les mandats des dirigeants de ces institutions et organismes.  

Par Mélissa Goasdoué