le 13/09/2017

Annulation du décret sur les tarifs réglementés de vente du gaz naturel

CE, Ass., 19 juillet 2017, Association nationale des opérateurs détaillants d’énergie, n°370321, conclusions du rapporteur public, Madame Marie-Astrid Nicolazo de Barmon

Par une décision du 19 juillet dernier, l’Assemblée du Conseil d’Etat a prononcé l’annulation du décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 relatif au les tarifs réglementés de vente de gaz naturel, mais a jugé que les effets de ce décret sont définitifs à la date du 1er janvier 2016 à laquelle il avait cessé de s’appliquer.

L’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (l’ « ANODE »), regroupant l’ensemble des fournisseurs alternatifs d’électricité et de gaz, avait en effet saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation du décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 précité, qui a d’abord donné lieu à un sursis à statuer du Conseil d’Etat par renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la compatibilité des dispositions dudit décret avec le droit de l’Union européenne (v. CE, 15 décembre 2014, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, n°370321).

Statuant au fond cette fois-ci, après l’intervention de l’arrêt de la CJUE du 7 septembre 2016, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie c. Premier ministre e.a. (aff. C-121/15), le Conseil d’Etat a jugé que la réglementation française des tarifs réglementés de vente de gaz naturel constitue une entrave à la réalisation d’un marché concurrentiel du gaz naturel.

Une telle entrave aurait pu être compatible avec le marché intérieur si la réglementation en cause avait rempli trois conditions :

  • La poursuite d’un motif d’intérêt économique général qui peut tenir, soit au maintien du prix de la fourniture à un niveau raisonnable (CJUE, 20 avril 2010, Federutility, aff. C-265/08), soit à la sécurité d’approvisionnement en gaz de son pays, soit encore à la cohésion territoriale (CJUE, novembre 2016, ANODE, aff. C-121/15) ;
  • Le respect du principe de proportionnalité;
  • L’existence d’obligations de service public clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables, garantissant un égal accès des entreprises de gaz de l’Union européenne aux consommateurs.

Au cas précis, le Conseil d’Etat a considéré qu’aucun des trois motifs d’intérêt général ne pouvait justifier le maintien de la réglementation de la fourniture de gaz, en repoussant chacun des arguments de l’Etat français par un raisonnement étayé. Ce faisant, le Conseil d’Etat n’a pas eu à procéder à l’analyse des points (ii) et (iii) susvisés.

Si ce raisonnement lui a permis d’aboutir à l’incompatibilité du décret n° 2013-400 du 16 mai 2013 précité au regard du droit de l’UE et à son annulation, le Conseil d’Etat a néanmoins jugé que : « eu égard aux incertitudes graves qu’une annulation rétroactive ferait naître sur la situation contractuelle passée de plusieurs millions de consommateurs et de la nécessité impérieuse de prévenir l’atteinte au principe de sécurité juridique qui en résulterait, il y a lieu de prévoir, à titre exceptionnel, que les effets produits par le décret attaqué sont, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de la présente décision, regardés comme définitifs ».

Concrètement, aucun consommateur de gaz naturel, ayant conclu ou tacitement reconduit un contrat de fourniture aux tarifs réglementés de vente entre le 18 mai 2013 et le 31 décembre 2015, ne pourra invoquer la décision du Conseil d’Etat du 19 juillet 2017 à l’appui d’une action contentieuse visant à en contester la validité.

En revanche, la réglementation de la fourniture de gaz naturel, codifiée aux articles L. 445-1 à L. 445-4 du Code de l’énergie, demeure contraire au droit de l’Union européenne et devra être abrogée prochainement, sous réserve d’une période transitoire, par le Gouvernement, soit par un projet de loi, soit par une ordonnance prise sur habilitation d’une loi, pour respecter l’autorité de la chose jugée de la décision du Conseil d’Etat commentée.