- Droit privé
le 22/12/2022
Anna MARIEAnna MARIE

Sur la nature du préjudice subi par les victimes de loteries publicitaires

Cass. Crim., 22 novembre 2022, n° 21-86.010

La loi n° 31-08, édictant des mesures de protection du consommateur, y compris la protection du consommateur en ligne, définit la loterie publicitaire comme étant « toute opération proposée au public par le fournisseur, sous quelque dénomination que ce soit, qui tend à faire naître l’espérance d’un gain par le consommateur, quelles que soient les modalités de tirage au sort ».

Un tel comportement, constitutif d’une pratique commercial trompeuse, est prohibé conformément à l’article L.121-20 du Code de la consommation.

En l’espèce, plusieurs consommateurs ont déposé plainte, s’estimant trompés par une société qui leur avait fait « miroiter des gains de loterie inexistants dans le cadre de publipostages ».

La société et sa présidente étaient déclarées coupables de pratiques commerciales trompeuses, et ont été condamnées à payer solidairement des sommes à quatre parties civiles, en réparation de leurs préjudices matériels ou moraux.

Les prévenues relevaient appel de cette décision, et la Cour d’appel confirmait le jugement rendu en première instance en ses dispositions civiles.

Dans ces conditions, la société et sa présidence formaient un pourvoi en cassation, considérant qu’en les condamnant à payer aux parties civiles, au titre de leur préjudice matériel, le montant des gains promis par les jeux dont elles avaient été destinataires, «  la cour d’appel, qui s’est placée sur le terrain quasi-contractuel pour fixer le montant de l’indemnisation, a méconnu la nature délictuelle de l’action civile, et a violé les articles 2,3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil ».

Les demanderesses au pourvoi soulignaient par ailleurs que la réparation du préjudice causé par une infraction ne devait apporter à la victime ni perte ni profit.

Ainsi, en les condamnant au versement de la somme de 52.895,24 euros, en réparation du préjudice matériel d’un consommateur, correspondant au montant des gains promis et des commandes passés par lui, la Cour d’appel n’aurait pas fait une juste application des articles 2,3 du Code de procédure pénale, et de l’article 1240 du Code civil.

Sur le premier moyen soulevé, la Cour de cassation est venue adopter l’argumentation des demandeurs, en rejetant l’analyse de la Cour d’appel, qui avait jugé que les loteries publicitaires devaient être assimilées à des quasi-contrats.

En effet, la Chambre criminelle a considéré que « l’absence de perception des gains promis n’est de nature à constituer par la déception qu’elle engendre, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, qu’un préjudice moral ».

Sur le second moyen, la Cour de cassation cassait l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, au motif que les juges du fond n’avaient pas suffisamment caractérisé l’intérêt patrimonial auquel les comportements sanctionnés avaient porté atteinte.

Par cet arrêt, la Chambre criminelle se détache de l’analyse de la Chambre civile, qui qualifie les loteries publicitaires de quasi-contrat, obligeant dès lors l’organisateur de la loterie publicitaire à la délivrance du gain annoncé.

Cette différence d’appréciation s’explique par la nature délictuelle de l’action civile.